Ma petite voiture fonce à travers la plaine belge en direction de la côte néerlandaise. J’ai dépassé Bruges depuis moins de dix minutes et il ne me reste plus grand-chose à parcourir avant de franchir la frontière. Il fait doux en ce début avril. C’est la première fois que j’entreprends, seul, un voyage de plus de cent kilomètres depuis que Clémentine, ma femme, est morte dans ce stupide carambolage, il y a bientôt trois ans.
Trois ans. Le chemin fut long avant que je prenne goût à ce qui m’entourait. Clémentine était tout pour moi, nous nous connaissions depuis la maternelle, nous avons franchi ensemble toutes les étapes de la vie jusqu’au mariage. Elle était enceinte de trois mois quand ce foutu camion s’est couché sur la route. Dix fois, cent fois, mille fois, j’ai simulé l’accident à partir des informations que j’ai pu glanées. Dix fois, cents fois, mille fois, j’ai cherché comment elle aurait pu s’en sortir : elle n’avait aucune chance et notre bébé non plus.
Il ne me restait plus qu’à continuer de vivre sans elle…
Depuis le début de l’année, je vais mieux, je pense que je tourne actuellement la page. J’ai essayé d’avoir quelques aventures qui furent peu concluantes mais, si l’ombre de ma femme sera toujours à mes côtés, je sais maintenant que je peux tenter de bâtir à nouveau une famille, j’ai fini par l’admettre puis à le désirer.
Coté professionnel, tout va bien. Il faut dire que je me suis abîmé dans le travail, à la mairie. Ce fut ma façon de penser à autre chose. Du coup, je sais que l’an prochain, je serais chef à la place de mon chef, c’est-à-dire, directeur informatique à la place du directeur informatique. Et ce, la trentaine à peine dépassée. Mais, quand j’y songe, le prix fut dur à payer, très dur, trop dur.
Déjà, je prends doucement la relève et c’est d’ailleurs pour cela que je fonce à travers la plaine verdoyante zébrée de canaux. La médiathèque doit s’ouvrir d’ici peu et il faut un bon logiciel pour la gérer. J’en ai testé divers et une connaissance, qui le tenait d’un ami qui le tenait d’une copine, m’a indiqué que je trouverais peut-être le Saint Graal auprès de la bibliothèque d’Oostburg, en Hollande. Du coup, j’ai décroché mon téléphone et après moult tentatives, j’ai enfin réussi à avoir au bout du fil la responsable de cette bibliothèque, ludothèque et médiathèque. Comme ma mère était originaire d’Ypres en Belgique, zone flamande, et que mon père venait des Flandres françaises, je parle assez bien le flamand et moins bien le néerlandais.
Cette brève conversation est restée gravée dans ma mémoire, c’était lundi, il y a deux jours.
— Allo ? Met Mevrouw Debruin, Aub ?
— Ja, t’is mij. Wat voor uw dienst ?
Je traduis, sinon ça risque d’être incompréhensible pour beaucoup de gens… Ceci dit, mon interlocutrice avait une belle voix aux sonorités cristallines, un petit côté voix d’hôtesse de l’air dans les aéroports.
— Excusez-moi de vous déranger. Je suis Frank Appelghem, je recherche un logiciel de gestion de médiathèque et celui que vous avez serait peut-être celui qui résoudrait mes problèmes.
— Ah ? Vous désirez en installer un chez vous, dans votre entreprise ?
— Pour la mairie, nous agrandissons la bibliothèque en y ajoutant une médiathèque.
— Excuse me but don’t you prefer I speak English ?
— Non, non, ça ira très bien en néerlandais ! Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
— Vous avez un accent un peu… curieux, je voulais vous simplifier la tâche…
— Mes parents sont d’origine belge mais je suis français de naissance, voilà pour l’accent.
— C’est rare un français qui parle néerlandais… Excusez-moi. Pour le logiciel, je présume que vous aimeriez le voir de plus près ?
— Si ça ne vous dérange pas…
Et nous avons fixé un rendez-vous pour ce mercredi, sinon, il fallait attendre quinze jours de plus pour accorder nos plannings. Nous avons convenu d’aller déjeuner ensemble. J’ai bien tenté de me faire accompagner par l’une des trois personnes concernées par cette médiathèque mais, décidément, mis à part être entre quatre murs au milieu de leurs livres, impossible de leurs faire voir la lumière du jour !
Je viens de franchir la frontière, Oostburg n’est plus très loin. Le plan du centre ville gît sur la place passager, ce sera simple de trouver la bibliothèque. Depuis lundi, cette voix cristalline résonne dans mon cerveau. Hier, juste après avoir reçu un email avec le plan joint, j’ai décroché mon téléphone pour la remercier, uniquement pour entendre sa voix. J’étais parti pour un bref coup de fil et nous avons parlé presque une demi-heure, de tout, de rien, d’elle et de moi. Et je connais maintenant son prénom : Mieke.
Tout va bien, j’ai trouvé du premier coup. Il est bientôt dix heures, je suis légèrement en avance, comme il est de coutume en Hollande. Cinq minutes de retard et c’est le marquage à vie au fer rouge ! Ce n’est pas la même façon de voir que dans le sud de la France…
J’entre dans la bibliothèque par une grande porte vitrée, une grande salle toute en profondeur avec un bureau vide juste à l’entrée m’attend. Un parfum ténu flotte dans l’air, je n’entends rien, je ne vois personne. Ah si, un léger bruit vient de la troisième rangée et je découvre une ravissante blondinette en tailleur vert qui est en train de ranger une pile de livres. Effectivement, le plumage vaut largement le ramage ! Elle se tourne vers moi :
— Meneer Appelghem ?
— Goedendag, Mevrouw Debruin, hoe maakt U het ?
— Fijn, dank U. En uw reis ?
J’ai pitié de vous, chers lecteurs, je traduis à présent…
— Merci, j’ai fait un bon voyage, j’ai trouvé du premier coup grâce à votre plan et vos indications.
— Tant mieux… tant mieux…
Quelques gros livres dans ses menus bras, elle me regarde d’une étrange façon, comme si elle était intriguée. Moi, j’en profite pour graver son image. Une mignonne blondinette aux cheveux courts bouclés, un visage presque rond aux yeux étonnamment verts délavés, des joues rosées, une bouche aux lèvres ourlés entrouvertes sur des dents blanches. Son tailleur camoufle un peu sa silhouette mais pas son décolleté qui est prometteur. Un mètre soixante cinq ou soixante-dix de pure flamande moderne, aux rondeurs appréciables tout en gardant une certaine sveltesse. Ni trop, ni trop peu. Des hanches aux courbes agréables, au-dessous, des jambes bien campées sans collant ni bas, au galbe irréprochable, à mon goût. J’aurais dû prendre mon appareil photo. Il faudra que je trouve une excuse pour revenir avec un de ces jours prochains !
— Eeeh !!!
La pile de livres tombe au sol. Nous nous agenouillons simultanément pour les ramasser. J’ai mon visage à moins de trente centimètres d’elle et son parfum m’étourdit un peu. Quant à son décolleté, n’en parlons pas ! Il y a des moments qui devraient durer longtemps, très longtemps. Hélas, quelques secondes plus tard, nous sommes à nouveau debout en train de ranger les livres dans les rayonnages.
— Excusez-moi, je n’avais pas vu que… Commence-t-elle.
— J’aurais dû vous avertir mais je n’ai rien vu venir.
Elle me regarde à nouveau de cette étrange façon. Je décide d’en avoir le coeur net. Je demande alors :
— Oui ? J’ai quelque chose de particulier, un problème ?
— Oh ! Non, non, excusez-moi, je suis un peu étonnée… je vous imaginais autrement…
— Ah et comment ?
— Pas comme ça, différent… Excusez-moi.
Elle passe devant d’un petit pas pressé et se dirige vers son bureau, je lui emboîte le pas. Si je ne savais pas qu’elle s’appelait Mieke Debruin, je l’aurais volontiers surnommé Madame Excusez-moi ! Il faudra que je compte le nombre de fois qu’elle le dit.
L’ordinateur est allumé, une chaise m’attend. Assise droite comme un i, elle a visiblement les joues plus rouges que tout à l’heure. Oui, c’est vrai, je suis théoriquement venu pour ce fameux logiciel de gestion. Même si son utilisatrice monopolise mes pensées, je dois reconnaître que ce logiciel est bien fait. Il correspond à peu de choses près à ce qui m’intéresse, mis à part qu’il faudra le traduire. Elle a vraiment de jolis genoux. Non, ce n’est pas le propos mais il faut dire qu’elle a quand même de jolis genoux. Onze heures sonnent à la grande horloge du fond de la grande salle. Nous avons eu six ou sept visiteurs.
— Les gens travaillent le matin, ils viennent plutôt dans l’après-midi.
— Je comprends mieux.
Elle tire sa jupe sur ses genoux et elle évite de me regarder. Un silence pesant s’installe entre nous. Je relance la conversation.
— Ce logiciel est vraiment bien fait !
— Vous trouvez ? S’étonne-t-elle de sa voix cristalline.
— Oui, bien fait. J’ai l’impression qu’il a été écrit par quelqu’un qui s’est soucié des utilisateurs finaux ou qui était de la partie, du métier.
— Vous êtes sincère ?
— Je suis informaticien, je connais bien le milieu, enfin le milieu des informaticiens français. Ce sont souvent de bons programmeurs mais à mille lieux du commun des mortels… Au fait, comment êtes-vous en possession de ce logiciel ?
— Euh, très simplement… c’est moi qui l’ai écrit…
Alors là, j’ai ouvert de grands yeux, idem pour la bouche. Que venait faire une femme pareille dans cette petite bibliothèque. Un petit sourire timide s’inscrit sur ses lèvres, elle jette un bref coup d’œil de mon côté et s’amuse de mon expression. Je reprends vite le dessus :
— Attendez, si c’est vous qui avez écrit ce logiciel, que diable faites-vous ici ? Vous avez un sacré potentiel !
— Merci, mais j’avis quelque chose à… à oublier…
— À oublier ?
— Oui… Excusez-moi mais je préfère ne pas en parler.
Son regard se voile, s’embue. Je pense qu’elle songe à quelque chose de douloureux, je crois déceler la même souffrance qui me broyait durant de longs mois après la disparition de Clémentine. Je la vois qui tremble légèrement. Spontanément, je lui mets une main sur son bras, passant derrière son dos, pour tenter de la consoler, elle sursaute faiblement. Les yeux perdus au lointain, je parle, comme pour m’exorciser :
— Je ne sais pas s’il s’agit de la même chose mais… je suis veuf depuis bientôt trois ans. Ce fut très dur pour moi au début, j’ai cru que je ne m’en sortirais jamais. Je me suis enfermé dans un monde clos, stérile, uniquement obsédé par la mort absurde de Clémentine, me tuant au travail pour oublier. Je n’ai pas oublié, je ne l’oublierai jamais mais j’ai enfin compris que… que je peux continuer et espérer vivre avec une autre femme tout ce que j’ai pu éprouver pour elle. Bâtir quelque chose de nouveau, autrement…
Elle me regarde, surprise. Elle sèche ses yeux tandis que je la dévisage à mon tour. Elle soupire puis contemple l’écran.
— Ce n’est pas la même chose… C’est moins tragique que vous. Henk m’a quitté quasiment au pied de l’autel pour ma demoiselle d’honneur, ma meilleure amie… Comme vous, je me suis investie dans le travail. Ce logiciel en est le résultat. Il m’a vidée, il m’a aidée mais il me rappelle toujours cette trahison, cette double trahison.
Un long silence s’installe entre nous. J’ai toujours ma main sur son bras. Délicatement, je la presse contre moi, doucement, elle pose sa tête sur mon épaule.
Malheureusement, ce doux moment allait être de courte durée. À travers la porte vitrée se profilent des ombres agitées et bruyantes, visiblement un groupe d’enfants. Ce qui ne manqua pas. Une classe complète d’enfants turbulents débarque à grand fracas. Je suis perplexe puis je réalise que le mercredi n’est pas jour de relâche aux Pays-Bas, contrairement en France. Ma bibliothécaire préférée étant accaparée par une vingtaine d’enfants, j’en profite pour regarder comment elle s’y prend pour gérer les entrées et sorties. La voyant faire, ça me conforte dans l’idée qu’il faudra franciser ce logiciel décidément bien fait, je reste objectif, même si j’ai une certaine inclination naissante pour sa créatrice.
Midi sonne, les enfants s’évacuent par la porte vitrée. Puis cinq minutes plus tard, nous sommes attablés à un petit restaurant situé à deux pas de la bibliothèque. Elle me raconte tout de sa vie brisée, je lui relate tout de la mienne. Naturellement, simplement. Nous avons beaucoup de points communs, je suis néanmoins en avance sur elle pour mon travail de deuil…
Au dessert, devant une crème brûlée, elle m’avoue :
— C’est la première fois que je déballe tout ça… Je n’avais jamais osé avant. Excusez-moi si je vous ai importuné avec mon histoire banale…
— Pas du tout. Si vous voulez me faire plaisir, promettez-moi, à présent, deux petites choses…
— Petites choses, c’est bien d’un français de dire ça ! S’amuse-t-elle.
— Vous promettez ?
— Dites toujours…
Elle me regarde intriguée, sa longue cuillère sur les lèvres, j’aimerais beaucoup être la petite tâche de crème qu’elle a sur le coin de sa bouche…
— Arrêtez de vous excuser une phrase sur deux et arrêtez aussi de vous déprécier… Je pense sincèrement que vous êtes une jeune femme bien, très bien.
— Merci, ça fait plaisir à entendre mais je ne peux m’empêcher de penser d’avoir été en dessous de tout pour m’être fait plaquer ainsi sans avoir rien vu venir.
— Ce n’était pas de votre faute, vous étiez amoureuse et quand c’est comme ça, on est aveugle… Dis-je pour la consoler.
— Vous avez raison, excusez-moi…
— Vous oubliez vite vos promesses !
— Excusez-moi, mais je n’ai rien promis ! Lance-t-elle, amusée.
— La prochaine fois, vous aurez droit à une fessée ou un gage !
— Vous oseriez ? Questionne-t-elle, taquine.
— Même si je suis contre, la fessée a ses… avantages… surtout quand il s’agit de vous…
Elle se cale sur la banquette, perplexe, prête à rougir.
— C’est-à-dire ?
— C’est la façon, l’endroit où ça… s’applique qui est… avantageux…
Sa cuillère toujours sur ses lèvres, elle pique un fard monumental. Elle tousse faiblement pour s’éclaircir la voix et me demande :
— Et pour le gage ?
Je me rue dans la brèche ouverte.
— Etre au même endroit que votre cuillère…
Prestement, elle repose sa cuillère dans sa coupelle. Je pensais qu’elle était au maximum de sa rougeur mais elle est devenue complètement écarlate. Elle regarde fixement la table, ses mains sur ses genoux, ses cheveux bouclés sur ses yeux baissés. Le tableau qu’elle m’offre ainsi est ravissant et je me maudis d’avoir oublié mon appareil photo numérique !
— C’est bien d’un français de dire ça ! Lance-t-elle.
— C’est sincère mais vous n’êtes pas obligé de me croire.
— Ici, les hommes ne sont pas très… versés compliments. Vous draguez toujours les femmes avec lesquelles vous déjeunez ?
— Non, je suis le premier étonné de… l’effet que vous me faites.
Elle repique du nez sur la table. Je pose mes mains sur la table, j’essaye de fixer ses yeux sous ses mèches et je me lance :
— Mieke, vous êtes réellement la première femme qui me plait ainsi depuis… enfin, vous comprenez. Je ne vais pas tourner autour du pot cent sept ans. Vous me faites un effet fou, je n’y comprends rien mais je suis heureux d’être ici à vos côtés. J’aime tout en vous, je désire vous connaître, tout savoir de vous. Vous me plaisez énormément…
A travers ses mèches, je la voie rougir, secouée d’un léger frisson. Je suis moi-même étonné de la rapidité avec laquelle je lui ai avoué qu’elle me plait. Même avec Clémentine, il m’avait fallu des mois. Je répète comme une évidence :
— Vous me plaisez énormément !
Troublée, elle respire prestement, elle murmure quelque chose, comme si elle pensait tout haut. Visiblement, elle n’a pas eu conscience que j’ai entendu ces deux mots : je ook (toi aussi).
Je suis fébrile. Cet aveu implicite me comble, d’autant qu’elle a utilisé le tutoiement et connaissant un peu le pays et les gens, il faut qu’elle soit très troublée pour avoir dit « je » (toi).
Avec des gestes brusques et mal assurés, elle relève la tête, écarte ses cheveux et vaillamment, me réponds :
— Ce n’est pas possible !
— Pourquoi ?
— Ça ne se fait pas ainsi !
— Pourquoi ?
— Je… vous… Non, ce n’est pas possible ! C’est trop rapide, je n’y crois pas ! Ce… c’est trop beau…
— Je… ook ?
Elle se fige, tétanisée. Elle est encore plus écarlate que tout à l’heure. Elle bredouille :
— Vous, vous aviez… entendu ?
— Oui.
— Excusez-moi !!
Elle se lève d’un bond et, à grandes foulées, se dirige vers les toilettes. Elle serait sortie, je l’aurais poursuivie mais là, c’est plus délicat. J’ai l’air con devant ma crème brûlée. Pour me venger, je la finis et j’attends. Il n’y a pas grand monde dans ce restaurant et nous sommes de surcroît dans un coin, assez isolés des autres clients. J’ai beau regarder autour de moi, rien ne me distrait de Mieke.
Je commence à trouver le temps long. N’ayant plus rien à perdre, si ce n’est elle, je décide d’aller la rejoindre aux toilettes. Je la retrouve face aux lavabos communs, regardant fixement la grande glace.
— Pourquoi êtes-vous venu ? Me lance-t-elle.
— Vous ne pouvez pas rester indéfiniment ici !
— Non, ce n’est pas ça que je voulais dire : pourquoi êtes vous venu, ici, à Oostburg ? Tout allait bien. Et puis, maintenant, vous foutez tout en l’air !
— Soyez franche avec vous-même : ça allait vraiment bien, à vous oublier vous-même, à vous gaspiller ?
— Au moins, j’étais au calme, sans problème, sans histoire !
Je suis à présent dans son dos, nos têtes dans le même axe sur la glace. Elle soutient mon regard dans le miroir, ses yeux sont rouges.
— Nous pouvons bâtir ensemble notre histoire, si vous le désirez. Je sais que c’est soudain, que c’est rapide. Je ne sais pas où ça nous mènera mais je veux tenter l’expérience. Je croyais, avant de vous connaître, que c’en était fini pour moi, que plus jamais, je ne connaîtrais la même intensité que j’ai vécue avec Clémentine. Vous êtes là, vous existez et je ne veux pas laisser passer cette chance, surtout, si vous aussi…
— Je ne suis pas prête… Dit-elle en baissant la tête.
— Vous n’êtes peut-être pas prête maintenant mais j’attendrais. Peu importe s’il faut attendre des mois ou plus, si en fin de compte, nous sommes ensemble.
— Je ne suis pas prête, je ne serais jamais prête ! J’ose pas…
Je passe mes bras autour de sa taille, elle frissonne mais ne se dégage pas. Elle est partagée, elle hésite. Il faut que je l’apprivoise, doucement, mais je sais qu’elle est ma chance, mon espoir, mon futur bonheur, je le sais intimement. Je vis un désordre de mes sens, une confusion extrême, et elle aussi. Mais dans cette tourmente chaotique, elle apparaît comme une évidence, le rayon de soleil qui chasse les nuages lourds, ma bouée de sauvetage dans la tempête et je m’y accrocherai de toutes mes forces.
Je recule doucement d’un demi pas afin qu’elle se repose sur moi, son dos sur ma poitrine. Elle se laisse faire, abandonnée. Je resserre mes bras autour d’elle.
— Je ne veux pas vous forcer mais acceptez au moins que nous continuions à nous voir, à nous téléphoner. Tolérez-moi un peu dans votre vie, un mois, deux mois et puis, nous verrons comment les choses se déroulent. J’accepterai alors votre décision.
Elle pose sa tête sur mon épaule, ses boucles blondes caressent mon cou.
— Vous me promettez d’accepter ma décision ?
— Oui mais à condition que vous acceptiez que je tente de vous convaincre !
Elle ferme les yeux, je sens qu’elle s’abandonne sur moi. Elle pousse un soupir.
— Et à condition aussi, je présume, que j’arrête de m’excuser à tout instant et de me déprécier ?
— On ne peut décidément rien vous cacher !
— Alors essayons…
Deux mois se sont écoulés. Nous nous sommes téléphonés tous les jours, vus tous les week-ends, tantôt chez elle, tantôt chez moi… En ce début juin, elle est chez moi pour trois jours et deux nuits. Elle occupe, comme d’habitude quand elle vient, la chambre d’amis. Les premières fois furent tendues, elle avait peur que j’outrepasse nos règles. C’est vrai que ce fut dur, j’avais toujours une envie folle de l’embrasser et même plus. Néanmoins, elle accepte que je l’enlace tendrement de temps à autre, que nous nous promenions, main dans la main et que je lui fasse des compliments admiratifs. Il y a un mois de ça, je lui ai volé un furtif baiser sur les lèvres juste avant qu’elle ne reparte chez elle, en Zeeland. Elle a froncé des sourcils mais n’a rien dit. Depuis, c’est devenu un petit rituel. Le week-end dernier, c’est elle qui m’a devancé, posant ses lèvres sur les miennes, tout doucement.
Il est flagrant qu’elle m’accepte comme ami, nous nous entendons bien, très bien, nous avons beaucoup de points en commun mais je suis dans le brouillard pour le reste. Je reconnais que, elle là-bas et moi ici, ça ne simplifie pas les choses. Mais à peine cent kilomètres nous séparent réellement, entre l’extrême nord de la France et l’extrême sud-ouest des Pays-Bas. En exagérant, nous pourrions migrer ensemble en Belgique, entre Torhout et Roeselare pour être à mi chemin.
Côté professionnel, la francisation du logiciel est finie ainsi que quelques modifications mineures. Il est en cours de test à la bibliothèque ainsi que dans cinq autres de la région. J’ai fait jouer mes relations. Pour l’instant, tout se déroule parfaitement. Mieke devrait toucher des royalties en fin d’année.
Son français balbutiant et sa pointe d’accent me font fondre mais elle fait des efforts pour glisser ci et là une phrase ou deux dans la conversation.
Nous nous promenons en centre ville, il fait beau, ce midi. Elle a pu avoir son vendredi et moi, j’en ai fait de même. Après tout, je suis quasiment mon propre chef, et puis, j’ai un paquet de jours à solder. Nous cherchons un endroit pour déjeuner. Je la sens étrangement distante, ça m’inquiète d’autant plus qu’elle m’a dit hier au téléphone qu’il fallait qu’on « cause sérieusement » et que nous sommes arrivés au bout des deux mois de délai. J’aurais dû en demander trois ou quatre !
Le déjeuner fut vite expédié, quelque chose la turlupinait et moi aussi de ce fait. Elle m’a entraîné ensuite dans le parc, sur un banc en retrait sous les grands arbres, pas loin du lac artificiel. Nous nous sommes assis et j’ai attendu, inquiet, qu’elle prenne la parole.
— Tu devines pourquoi nous sommes ici ? Me demande-t-elle, d’un air sérieux.
— Je m’en doute… Deux mois, ça passe vite…
— Oui. Tu te souviens de ce que tu m’avais dit à ce moment, concernant ma décision que tu accepterais ?
— Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit… Le condamné a le droit à la parole une dernière fois ?
— Je ne t’empêche pas de parler ! Dit-elle gravement.
— Je n’ai pas changé d’avis, tu restes pour moi celle que j’aime, j’en ai à présent la certitude. J’ai été heureux de pouvoir passer tout ce temps avec toi, de te découvrir, de t’apprécier et…
— On dirait un discours d’adieu ! Me coupe-t-elle.
— Euh, je ne sais plus sur quel pied danser…
— Il est vrai que tu n’as pas respecté tous nos accords !
— Comment ça ?
— Les baisers d’adieu n’étaient pas prévus !
— Tu m’excuseras mais j’en avais vraiment envie ! Dis-je spontanément.
— C’est toi qui s’excuses à présent ?
— C’est ça, moque-toi de moi !
J’attends. Elle est vraiment mignonne avec son pull rouge et son jean bleu délavé. D’ailleurs son pull est une incitation au crime, il lui moule parfaitement les seins qu’elle a généreux, sans parler de la lanière de son sac qui barre sa poitrine, les séparant et les magnifiant encore plus. C’est une vision merveilleuse, tentatrice mais interdite.
— Les deux mois sont terminés et je ne désire pas les prolonger ! Lâche-t-elle.
— Mais…
— Tut tut ! Tu dois accepter ma décision, tu t’en souviens ?
— Oui, dis-je en baissant la tête, accablé.
— Je te suis très reconnaissante mais ces deux mois furent longs, très longs mais très utiles pour que j’y voie clair.
— Ah…
Je comprends ce que doit ressentir un condamné à mort qui emprunte le couloir qui mène à son exécution. Impitoyable, elle poursuit :
— Soyons franche, j’avais hâte que ça soit fini !
Et pan que j’enfonce le clou ! Cruelle, elle poursuit :
— Parce que j’ai envie de passer à autre chose de plus conséquent !
— Eh ?
Avant que je n’aie fait le moindre mouvement, elle se presse sur moi, poitrine agressive en avant et m’embrasse fougueusement, ses bras autour de mon cou. Je réagis aussitôt en répondant ardemment à ses baisers. Je suis fou de désir pour elle, je l’aime, je la veux, je la désire et elle veut bien de moi. Après une étreinte passionnée, nous retrouvons nos esprits. Elle est à présent assise sur mes genoux, collée à moi, ne me laissant rien ignorer de ses courbes sur mon corps, sa tête nichée dans mon cou. Du bout des doigts, elle dessine des arabesques sur ma chemise, s’égarant parfois en dessous. Je n’en reviens pas, je suis heureux, le plus heureux des hommes.
— Je t’aime, dit-elle en français.
— Répète ?
— Ik houd van je !!
— Tricheuse !
Et je l’embrasse à nouveau de tout l’amour que je puis lui donner. Elle répond à ma fougue avec ardeur. Peu après, nous sommes face à face, nos fronts collés l’un à l’autre. Sa mine est boudeuse.
— Pourquoi faisais-tu une telle tête, c’est merveilleux !
— Tu parles ! Je suis amoureuse d’un français, je ne connais pas ta langue ou si peu, toi, tu connais la mienne mais personne d’autre ici n’est capable d’aligner deux mots en néerlandais !
— C’est vrai que je connais ta langue… Dis-je en français.
Je l’embrasse voluptueusement. Elle se dégage quelques instants après et m’interroge :
— Je n’ai pas tout compris…
Je lui explique qu’en français, langue signifie tong (muscle de la bouche) et aussi taal (langage). Du coup, elle se redresse, me toise du regard en faisant la moue. Ce faisant, elle me met sous le nez sa poitrine insolente et surtout, visible dans son décolleté en V, le petit morceau de chair où naissent ses seins. Je n’y résiste pas, je plonge avec délectation mes lèvres avides et je réussis à poser un baiser appuyé juste au bon endroit. Elle crie, se recule puis plaque précipitamment une main tout en riant.
— Tu n’en perds pas une ! Fait-elle.
— C’était trop tentant ! Excuse-moi !
— C’est ça, fiche-toi de moi !
Toujours assise sur mes genoux, elle reprend un air sérieux, un air des grandes décisions. Vu le contexte, je sens que c’est positif pour moi, enfin, je l’espère.
— Tu peux me faire une promesse ?
— Je t’écoute…
— Nee, nee, nee !
— Ok, je promets mais j’aurais aimé savoir avant !
— De ne plus me… laisser dormir seule quand nous sommes ensemble ?
Pas besoin de promettre une telle chose ! Je lui donne mon accord sur le champ en l’embrassant de plus belle. Je suis même étonné que nous n’ayons pas été dénoncés pour débauche sur la voie publique ! Elle trouve ma réponse à son goût. Toute décoiffée, ses boucles blondes en bataille, elle me fixe de ses grands yeux verts délavés.
— Mais, s’il te plait, pas dans mon grand lit ni dans le tien…
— À cause de nos ex ?
— Oui, ça me ferait mal, j’aurais l’impression de faire doublure… Idem pour toi, non ?
— Je te comprends et pour cela, il n’y a qu’une seule solution ! Viens !!
— Où ?
La prenant par la main, nous regagnons la voiture et je m’engage peu après sur les grands boulevards. Elle se demande quelle mouche m’a piquée. Quelques minutes plus tard, nous arrivons sur le parking d’une grande enseigne qui vend justement des meubles et donc des lits. En sortant de la voiture, elle secoue la tête, faussement navrée.
— Tu es vraiment impossible !
— Dis-moi que tu es contre !
— Idiot !
Serrés l’un contre l’autre, nous déambulons parmi les chambres exposées. L’une d’elles, très moderne, nous plaît particulièrement. Je la renverserais bien illico sur le lit ; ça doit se lire sur mon visage, vu la façon dont elle me regarde tout en essayant le moelleux du matelas… Nous décidons de prendre l’ensemble : lit, chevets, commode et armoire. Par chance, elle est disponible de suite. Juste avant de signer les papiers, j’utilise mon téléphone portable pour appeler le service voirie de la mairie. André peut venir dans cinq minutes avec une camionnette.
Moins d’une demi-heure plus tard, tout est déchargé à la maison. En me quittant, André me glisse à l’oreille qu’il comprend maintenant mieux mon changement d’attitude depuis deux mois. Durant le temps du déchargement, Mieke est partie acheter les draps et ce qui va avec. J’ai eu le temps de démonter le plus gros et de le mettre en attendant dans une chambre vide quand elle revient toute contente de ses achats. Assis au sol, je visse les montants entre eux pendant qu’elle me parle.
— Fini ! Me dit-elle, toute guillerette.
— Fais voir, mon amour ?
— Nee ! Seulement quand tout sera fini. Une surprise, en quelque sorte !
— Ok.
— Je peux t’aider à quelque chose ? Demande-t-elle.
— Non, non, ça ira.
— Euh, Schat [petit mot doux], je… je suis embêtée mais j’ai dépensé tous mes euros… je peux aller refaire un petit tour pour ce soir… avec ta carte ?
— Du moment que tu ne dévalises pas mon compte en banque !
— Ah ! C’est uniquement parce que je ai oubliée ma carte chez moi, cette fois-ci ! Excuse-moi ! C’est la première fois que ça m’arrive ! Dit-elle d’une toute petite voix cristalline.
— Pas de problème !
— J’ai craqué pour les draps, tu verras, ils sont beaux mais tous mes euros y sont passés… Excuse-moi de te…
— Prend mon portefeuille, je vais te donner le code.
— Excuse-moi ! N’empêche que… que…
Elle se tortille sur place. Visseuse en main, je lève la tête vers elle.
— Oui, mon amour ?
— Tu as confiance en moi, c’est la première fois qu’on a confiance en moi comme ça. Même Henk…
— Je t’aime, c’est tout !
— Tout est facile avec toi !
Elle se penche pour m’embrasser puis quitte la chambre. Je contemple son mignon séant qui ondule tandis qu’elle quitte la chambre. D’en bas, elle me crie qu’elle revient dans deux heures, histoire de préparer quelque chose pour dîner ce soir.
Au bout de deux heures et demi, j’ai enfin fini. Je suis en nage. Encore heureux que j’aie cette visseuse électrique sinon j’y serais encore ! Mieke est revenue de son shopping dont j’ignore la teneur. Contente du résultat, elle bat des mains devant notre chambre à coucher. Notre chambre…
Elle s’apprête à m’embrasser quand elle se recule, in extremis.
— Excuse-moi, Schat, mais tu dégoulines !!
— Je sais, je vais prendre une douche.
— Bon, pendant ce temps, je m’occupe du reste mais avant, aide-moi à mettre le matelas sur le sommier. Toute seule, je n’y arriverais pas.
Ceci fait, je pars prendre une douche bien méritée avec plein de mousse partout sur le corps. Malgré le bruit de l’eau qui dégouline, je l’entends s’activer dans la chambre, juste à côté. Peu après, habillé d’un peignoir de bain, je reviens dans notre chambre à coucher. Elle a acheté un ensemble texturé « orangé or ». C’est surprenant, surtout pour quelqu’un comme moi qui suis habitué au blanc mais il faut avouer que ça jette et que ça valait bien plein d’euros ! Entre-temps, elle s’est changée, elle m’a piqué une de mes chemises et a ôté son jean qui devait la gêner pour disposer les draps, surtout si on se met à quatre pattes sur un lit.
— Pas mal du tout ! Pas très classique mais pas mal du tout !
— Ça te plaît ?
Je suis face au lit, elle est juste derrière moi. Le ton de sa voix est voilé ; je me retourne vers elle, intrigué. À peine ais-je eu le temps d’être face à elle, qu’elle me pousse violemment sur le lit puis se jette sur moi.
Surpris, j’atterris les bras en croix sur les draps neufs, elle me chevauche littéralement, me dominant de toute sa hauteur. La façon dont elle me regarde à présent ne laisse aucun doute sur ce qui va m’arriver. Toujours au-dessus de moi, elle se penche vers moi, ses cheveux plongent vers ma poitrine découverte, sa chemise s’entrouvre sur deux magnifiques seins dodus prêts à déborder d’un soutien-gorge contraint par tant d’appas. Elle capte mon regard intéressé et sourit, les yeux brillants.
Elle est, à présent, à quatre pattes au-dessus de moi, sa chemise ne me cache plus grand-chose et mon peignoir lui en dévoile beaucoup. Elle profite de sa position dominante pour écarter doucement les pans de mon peignoir afin de dégager un sexe durci qui n’attendait que ça. Il jaillit alors pour venir se plaquer son slip et je sens sur ma peau sensible la chaleur rayonnante de son sexe à travers le fin tissu. Cette situation l’amuse beaucoup, elle se contente de me regarder droit dans les yeux, tout en oscillant du bassin, se frottant impudiquement sur mon dard turgescent.
Je décide de m’occuper sur le champ de ses deux masses affriolantes qui veulent déborder de son soutien-gorge. Je l’attire à moi afin de pouvoir m’égarer entre ses seins rebondis, dans son creux chaud et odorant, dans sa chair frémissante qui ondule à présent sous mes baisers.
Avec un intérêt certain, je découvre une petite attache entre les deux balconnets. On devrait toujours concevoir les soutifs ainsi. Toujours ! C’est bien plus pratique ! L’attache ne résiste pas bien longtemps entre mes doigts fébriles, avides d’en avoir plus, d’en agripper, d’en accaparer encore plus. L’instant d’après, deux magnifiques seins replets pointent sur ma poitrine, leurs pointes dressées s’accrochant aux poils bouclés de ma toison. Ils oscillent délicatement de toutes leurs masses, ils pendent harmonieusement tel deux fruits mûrs, prêts à être dévorés. Ce que je fais illico, ma bouche avide s’empare de l’un d’eux pour venir en croquer toute la saveur.
Je la veux, je veux tout d’elle, tout goûter, tout dévorer. Nos corps s’agitent, se cherchent, ses derniers vêtements (sauf un) filent au pied du lit. Les draps se froissent, les oreillers valsent. Elle est à présent allongée voluptueusement sur le dos, offerte et consentante. Elle veut que je la veuille.
Son slip s’évanouit et je découvre alors un mignon sexe presque glabre ; seule une petite touffe orée surmonte sa fente pulpeuse toute lisse et rebondie. Quelque chose scintille alors.
Avec une certaine stupéfaction, je découvre un anneau d’or ancré à la naissance supérieure de ses lèvres, juste devant la niche de son clitoris. Intrigué, je m’approche de cet anneau qui évoque la tirette d’une fermeture éclair, comme une invitation à ouvrir son sexe et à m’enfouir dedans. Je distingue parfaitement la courbe orée qui s’enfonce dans ses tendres chairs roses pour ressurgir comme plus brillante, magnifiée. Je ne m’attendais pas à ce genre de bijoux indiscret sur elle mais cette découverte m’émoustille : je décide de jouer avec.
Avec précaution, ma langue s’en vient fouiller le bord de son sexe, à l’orée de cet anneau intrigant. Une autre surprise m’attend : son clitoris saille à présent comme un mini pénis d’à peine un doigt de haut. C’est bien la première fois que je en vois un comme ça. Excité par cette nouvelle découverte, je décide de m’en occuper à pleine bouche.
— Ça ne te… rebute pas ? Demande-t-elle doucement.
— Non, pas du tout ! Dis-je en abandonnant momentanément son endroit convoité.
— Pas du tout ?
— Non et je te le prouve !
Aussitôt, je replonge sur ses lèvres, cueillir son clitoris en érection. Ma langue joue avec, sillonne ses recoins intimes, captures ses senteurs, titille l’anneau qui perce ses chairs. Je remonte sur sa touffe, lui mordille délicatement le mont de vénus puis je m’attaque ensuite à ses lèvres rebondies toutes luisantes, toutes odorantes. Oscillant du bassin, Mieke apprécie cette douce torture, ses murmures de plaisir remplissent la chambre comme une musique suave. Une idée saugrenue concernant cet anneau qui surplombe son clitoris traverse mon esprit. Remontant vers celui-ci, je dépose le bijou au sommet du clitoris érigé. Puis, posément, je pose mes lèvres sur l’anneau pour aspirer son presque mini pénis à travers. Sous l’effet de la succion, celui-ci se glisse lentement à travers le cercle d’or, arrachant des gémissements à Mieke qui se débat sur l’oreiller, ses mains plongées dans mes cheveux. Sous l’action conjuguée de ma bouche aspirante et de ma langue titillante, l’anneau se cale à la base de son clitoris en feu, distendant ses chairs sous sa traction. Je me recule alors légèrement pour admirer mon idée saugrenue, mon œuvre de chair. La vue de ses lèvres légèrement étirées, de ce bouton rosé enserré à sa base et débordant finement par-dessus l’anneau d’or, ses petits cris, ses doigts qui s’emmêlent dans mes boucles, ses seins frémissants aux pointes acérées, son corps qui ondule, son ventre rond qui frissonne, tout ceci me rend complètement fou de désir et de possession.
Je la veux, je veux être en elle, exploser en elle, jaillir, éclater, l’inonder, me répandre, l’envahir pour tout posséder, pour tout capturer, tout assouvir. N’y tenant plus, mon gland décalotté à m’en faire mal, à me déchirer, j’écarte ses jambes et je plonge sans discernement en elle. Son sexe entrouvre ses lèvres mouillées, se fraye un chemin dans son antre tandis que je me vautre sur elle, capturant de ma bouche un sein arrogant.
Elle enserre mes reins de ses jambes, comme pour m’empêcher de partir mais c’est bien là ma dernière idée : je veux m’enfouir en elle, me fondre au plus profond de son intimité. Elle a un petit hoquet quand mon pubis velu laboure involontairement son clitoris toujours enserré à sa base par l’anneau. Je mords à pleines dents dans la chair sucrée de son tendre sein, ma main capturant son autre mamelon pour en pincer la pointe exaspérée. Je plonge, je m’anéantis en elle, ses parois détrempées m’entourent, me noient. Un dernier tressaillement et je suis planté définitivement en elle, rivée dans sa chair. Alors je commence mon va-et-vient, ma chair sur la sienne, ma tige dans sa grotte pour en ressentir toutes les saveurs, les sensations, tout avoir et tout prendre. Elle m’accompagne du bassin, ses ongles dans mon dos, ses jambes sur mes fesses. Nos mouvements synchronisés sont furieux, avides. Je lâche son sein martyrisé pour m’emparer de ses lèvres. Nos bouches se rivent, nos langues s’emmêlent, un tourbillon nous envahit, une vague de chaleur nous irradie. Dans un spasme incroyable, douloureux, libérateur, je m’épanche en elle, me soulage, décolle, m’envole. Des anneaux de contraction enserrent mon pieu rivé en elle, son plaisir m’enferme dans un antre chaud et humide, un havre de bien-être, de pur plaisir.
Un plaisir pur…
Elle est à présent allongée sur moi, je suis toujours en elle, nos lèvres refusent de se séparer, nos langues aussi. Le tumulte de notre jouissance est loin d’être calmé ; il ricoche dans toutes les fibres de nos corps. Nous en voulons encore plus, aller plus loin, découvrir s’il existe une limite à nos sensations ou s’il s’agit d’un territoire sans fin.
La tête sur ses mains, elle me dévisage, ses seins plaqués sur ma poitrine, son ventre sur le mien, sa touffe dans la mienne, nos jambes emmêlées.
— Excuse-moi d’en parler maintenant mais tu comprends bien qu’il va falloir choisir, se décider… chez toi, chez moi… me dit-elle de sa voix cristalline.
— Là, comme ça, je vois bien trois solutions, même quatre…
— Quatre ? Vas-y, je t’écoute ! dit-elle en me mordillant la lèvre inférieure.
Je lui rends la pareille.
— Bon, je peux déménager chez toi, cent dix kilomètres, ce n’est pas la mer à boire. J’en connais qui en font plus chaque jour en allant sur Paris… De plus, je peux négocier pour aménager au mieux mes horaires…
— Tu ferais ça ? demande-t-elle d’une voix émue.
Je l’embrasse, elle répond fougueusement à mon baiser.
— Il y a la deuxième solution : tu viens ici, chez moi. Bon, je sais que tu parles difficilement français mais en quelques mois, ça devrait aller. Tu pourrais prendre des cours et continuer à travailler sur ton logiciel…
— Et je fais comment pour gagner ma vie ?
— Je crois en toi et en ton logiciel. Je pense que d’ici un an au maximum, il serait totalement opérationnel et commercialisable…
— Tu as plus confiance en moi que je n’en ai pour moi !
Mes mains caressent son dos, glissent sur ses reins, saisissent ses fesses, tout en décrivant de larges cercles, pour capter les moindres douceurs de sa peau.
— Troisième solution : nous déménageons tous les deux !
— Tu parles d’une solution ! Et la dernière ?
— Un mélange entre la deuxième et la troisième !
— Comment ça ? Dit-elle en caressant mon menton.
— Tu viens habiter ici, tu développes ton logiciel et une fois qu’il est commercialisable, on émigre dans le sud, au soleil, une belle villa avec vue sur la mer et je te fais l’amour au bord de la piscine privée, matin, midi et soir ! Et même la nuit !
— C’est ça ! C’est moi qui fais tout le travail et c’est toi qui en profites !
— C’est moi qui t’ai découvert ! Je suis ton manager, il est donc logique que je prenne ma part du gâteau !
— J’ai souvenir d’un proverbe, français je crois : le beurre et l’argent du beurre !
— Pas exactement, Lieveling [petit mot doux] : le beurre, l’argent du beurre et la crémière par-dessus !!
Elle éclate de rire, je la plaque contre moi afin de profiter plus encore de son adorable petit corps puis nous nous embrassons voluptueusement tandis que mes mains s’accaparent définitivement de ses fesses. Elle saisit mon visage entre ses mains, nos lèvres se rivent les unes aux autres. Mes doigts s’égarent dangereusement dans son sillon. Pour me faciliter la tâche, elle s’entrouvre en écartant les jambes, son sexe détrempé se collant sur le mien qui cherche de nouveau à plonger en elle, dans cette grotte chaude et humide, cet endroit où je suis si bien.
Elle remue si bien du bassin sur ma bite durcie que celle-ci est à l’orée de sa vulve accueillante. Juste avant le grand plongeon, elle se détache de ma bouche et me regarde intensément :
— Et la crémière par-dessus, disais-tu…
Ses magnifiques yeux verts délavés brillent d’une lueur extrêmement friponne. Puis dans un long soupir, elle s’empale délibérément sur ma tige gonflée qui entre d’un coup au plus profond de son intimité. Elle s’empare à nouveau de mes lèvres, sa langue enroulée à la mienne et un nouveau délire des sens nous assaille. Un de mes doigts s’en vient effleurer ma tige gluante plongée en elle. M’enhardissant, je cueille à l’orée de ses lèvres intimes détrempées ce mélange chaud de nos deux substances puis je remonte vers son entrée des artistes, son endroit sombre. Avec application, je masse sa douce cuvette ; elle frémit, sa bouche devient plus avide. Deux fois de suite, je recueille nos fluides pour aller enduire son petit trou mignon qui s’évase petit à petit, délicatement. Elle ondule lentement autour de mon doigt qui épouse parfaitement sa cuvette légèrement distendue. Je sens ses frémissements sur ma peau ultra sensible, je sais que je peux, que j’irais.
J’y vais, j’entre en elle, dans cet endroit serré, interdit mais tellement attirant. Mon doigt pénètre doucement mais sûrement dans sa tiédeur tandis que ma tige gonflée à bloc commence son lent travail de va-et-vient dans une chatte insatiable. Elle ondule autour de cet intrus qui la perfore lentement, facilitant ainsi le viol de son intimité anale.
Elle quitte mes lèvres pour rejeter sa tête en arrière, ses seins s’affalent à quelques centimètres à peine de ma bouche. Je saisis l’occasion sur le champ en gobant un téton dressé. Dans cet élan commun, mon doigt s’est définitivement rivé en elle dans ses chaudes ténèbres.
— Schoft, mijn schoft en schat ! susurre-t-elle, presque en extase, le nez au plafond.
L’effet de cette phrase intraduisible (ou presque) est instantané sur ma libido [schoft, mot vulgaire assez homophone de schat, mot doux]. Voracement, j’aspire plus encore son sein afin d’en dévorer les tendres chairs malmenées. Mon doigt égaré solitaire dans son rectum reçoit avec plaisir la visite d’un autre qui le rejoint en peu de temps. Possédée, elle s’empale frénétiquement sur mon sexe de bronze qui la farfouille dans ses moindres recoins, sur mes doigts inquisiteurs qui coulissent dans son étroit conduit maltraité. Je perçois distinctement mon sexe qui remplit le sien à travers la mince paroi que tâte le bout de mes doigts, ma tige en fusion qui ne demande qu’à éclater en elle, se répandre. J’enfournerais volontiers mon poing complet en elle pour l’empaler, la posséder, l’exploser tandis que mes jets brûlants rempliraient de lave son vagin détrempé pour l’embraser dans un orgasme démentiel. Ma raison m’échappe, d’autres idées folles traversent mon esprit dérouté, des idées de puissance, de pouvoir et de virilité absolue. Les cris rauques de Mieke, sa sueur, ses senteurs achèvent ma déroute et j’explose en elle, transperçant doublement, une dernière fois, sa vulve ouverte et son cul distendu. Je suis ailleurs, bercé par les cris de jouissance de celle que je possède.
La nuit sera longue, nos envies inépuisables, nos phantasmes assouvis.
Au petit matin, nous nous éveillons dans les bras l’un de l’autre. Ses doigts folâtrant sur ma poitrine, Mieke me regarde amoureusement puis les souvenirs de notre nuit déchaînée lui reviennent en mémoire et elle rougit, gênée.
— Excuse-moi pour, euh, tu.. euh…
Je dissipe tout fausse honte à l’embrassant d’une façon très tendre mais possessive. J’ai faim (nous n’avons pas dîné du tout, hier soir), très faim mais j’ai encore plus faim d’elle. Des jours, des semaines, des mois, des années, toute une vie pour me rassasier d’elle…
— Excuse-moi aussi… dis-je, l’air faussement navré.
— Pourquoi ? demande-t-elle, surprise, ses grands yeux verts fixés sur moi.
— Parce que ça va être pire maintenant !
Et avidement, je me jette sur elle.
Remplissant de leurs éclats de rire notre villa nichée en bord de mer, les jumelles ont maintenant presque trois ans et elles ont tout compris de leur mère puisqu’elles répètent à longueur de journée, de préférence près de la piscine privée, sur tous les tons, en deux langues, en parlant, en chantant :
— Skuzmoa, skuzmoa, skuzmoa !
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