1 – En selle.
Et voilà ! Il fallait s’y attendre : avec la récession, la perte de pouvoir d’achat, la crise financière et toutes leurs conneries, me voilà à la rue ! « Compression de personnel » qu’ils m’ont dit ! Et des clopinettes comme prime de licenciement. Pfff !… Qu’est-ce que je vais faire moi, maintenant ? Tout le monde s’en fout ! Encore heureux que je n’aie pas eu l’occasion de placer les économies – que je n’avais pas – dans leur foutue banque ! Trois ans de bons et loyaux services passés derrière leurs sinistres guichets à faire des sourires à une clientèle pas souvent agréable. Sans compter les avances d’un patron peu délicat et les œillades des employés.
Et Laure qui vient de subir le même sort ! Nous voilà bien toutes les deux ! Laure est ma colocataire depuis six mois. Nous sommes devenues très copines ! On s’adore ! Elle est tellement gaie, un rien la fait rire, c’est dire que nous prenons les choses du bon côté et ne perdons pas une occasion de nous marrer. C’est une belle grande fille au visage rond et aux yeux rieurs. Elle est dotée d’une superbe chevelure blonde qui ondule agréablement sur ses épaules quand elle ne l’enserre pas dans un chignon ou des nattes. Elle se mésestime un peu, se trouvant disgracieuse. Ce n’est pas mon avis et je ne me gêne pas pour le lui dire, quitte à la faire rougir. Nous rougissons (et pleurons) assez facilement toutes les deux, c’est dire si ça arrive souvent ! Combien de fois ne nous sommes-nous pas entraidées à l’occasion de l’un ou l’autre menu tracas ! Laure a une petite manie amusante : très souvent, elle laisse apparaître un petit bout de langue entre ses lèvres. Se rend-elle compte à quel point ça la rend minouche ?
Côté emploi, elle n’était pas beaucoup mieux lotie que moi, il faut dire. Le boulot d’employée dans une boutique spécialisée dans la fabrication de paratonnerres n’a rien de bien exaltant mais, au moins, c’était pas trop mal payé. Là aussi : crac ! restrictions et licenciement ! Et cela, fin juin, période idéale pour retrouver du boulot ! Ce qui s’annonce maintenant, c’est la galère ! À moins que…
Oh ! non, je ne vais quand même pas accepter cette proposition ridicule qu’elle me fait : tourner dans un film de cul ! Déjà que j’ai refusé les offres que me faisait ce photographe à la con de faire des séances de pose avec elle. Son regard libidineux m’avait toujours dissuadée d’accepter, en dépit des offres mirifiques qu’il nous faisait. Je soupçonne Laure d’avoir accepté de son côté ! Ce sont ses fesses, après tout, et elle en fait ce qu’elle veut ! Faudra que je lui demande, à l’occasion…
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Bon ! Elle a fini par me convaincre ! Il faut dire que la perspective d’emprunter des sous à la banque qui venait de me virer me mettait dans un état proche de l’hystérie.
– Allez, Dom, tu verras, on va bien s’amuser ! m’avait-elle dit, enjôleuse, le petit bout de sa langue dépassant de sa bouche gourmande.
– Ouais…
– Ce sera juste une fois, de toute façon, histoire de nous sortir du pétrin.
– Ouais…
– Si, si ! Promis, je t’assure.
– Mmm’ouais…
– En plus, on n’aura que des petits rôles tout à fait secondaires.
– Ouais.
– Ce sera vite mis en boîte.
– Mmmm…
– Et bien payées, ça c’est garanti !
– Ouais, ouais, ouais.
– Allez ! Dis oui.
– Mais je ne fais que ça !
Elle me regarda, l’œil rond, puis nous éclatâmes de rire. Je poussai un gros soupir puis haussai les épaules.
– Bon, bon, allez. Mais ça ne m’emballe pas du tout !
– Ben moi non plus, mais bon. Qu’est-ce qu’on risque après tout ?
Ce que je n’avais pas osé confier à ma copine, c’est que la perspective de me trouver avec elle dans des situations forcément scabreuses m’effrayait tout bonnement. Copines, oui, certainement, mais dans le parfait respect de nos intimités respectives ! Le rituel « salle de bains », par exemple, était parfaitement réglé, tout comme les arrangements courses, vaisselle, etc.
Je m’aperçus que je ne connaissais rien de sa vie sentimentale. C’est un sujet que nous n’avions jamais abordé, selon une sorte d’accord tacite. Pour ma part, je fréquentais un grand gaillard qui m’avait poursuivie de ses assiduités durant de longues semaines avant que je finisse par céder, sans grand enthousiasme. Roger était brocanteur et ne manquait pas de bagout, mais je n’éprouvais pas à son égard cette attirance qui affole, ce je-ne-sais-quoi qui alimente et renouvelle le désir. Tendre, attentionné, il multipliait les preuves d’amour : bouquets de fleurs, billets doux, regards mouillés, phrases tendres murmurées par des lèvres gourmandes… Ses plaisanteries un peu lourdes, son goût immodéré pour le foot, sa passion pour la mécanique, tout cela me laissait de marbre. Il m’agaçait un peu, pour tout dire, mais j’avoue que je ressentais une certaine fierté sous les regards admiratifs, voire avides, qu’il ne pouvait s’empêcher de lancer vers ma poitrine ou mes cuisses.
C’est chez lui que nous nous retrouvions, le plus souvent. Lorsque nous avions baisé pour la première fois, sur son canapé, il était tellement excité qu’il avait éjaculé avant d’avoir pu retirer son pantalon. Il avait heureusement pu « recharger ses batteries » assez rapidement et s’était montré un amant tout à fait acceptable. Il prenait un plaisir particulier à se répandre sur ma poitrine et j’avoue que je ressentais une certaine émotion à voir ce grand gaillard musclé à souhait, feuler son plaisir sur mes rondeurs épanouies. Il était si faible en ces moments d’abandon, si éperdu, si amoureux, que j’en éprouvais une réelle tendresse.
J’avais toujours supposé, sans avoir jamais cherché à le vérifier, que Laure profitait de mes absences pour recevoir son ou ses petits amis dans notre appartement. Je n’avais jamais rien remarqué qui eut pu attester du passage de quelque flirt ou relation suivie. Mais peut-être était-elle tout bonnement discrète et respectueuse de nos arrangements. Je crois que je m’étais tout simplement interdit d’y songer, par discrétion, par respect, par pudeur ? Certainement pour ne pas compromettre une relation qui avait pris de la valeur à mes yeux. C’est si rare, une amie, si précieux…
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Le casting eut lieu dans une arrière-salle de café, louée pour l’occasion. Lorsque nous y pénétrâmes, une dizaine de filles étaient installées sur les chaises éparses, attendant leur tour. La tension était manifeste, elles s’observaient toutes, guettant le moindre défaut physique, la plus petite erreur de goût dans le choix vestimentaire de leurs concurrentes. Certaines arboraient des tenues franchement obscènes : décolletés vertigineux, soutifs pigeonnants, jupettes à ras des fesses, cuissardes d’amazone. La plupart exhibaient des bijoux rutilants, des robes ou chemisiers aux couleurs criardes et s’étaient aspergées de parfums à tuer les mouches. Elles étaient presque toutes maquillées à outrance : rimmel surabondant, joues empourprées, rouges à lèvres agressifs, ongles fluo, paupières pailletées, faux cils king size, tout était bon. Il n’y en avait pas une qui ne sortait pas de chez son coiffeur ! Les regards assassins que nous décochèrent, dès notre entrée, les plus agressives de ces starlettes en herbe eurent pourtant pour effet de nous rassurer : au moins, nous étions considérées comme de sérieuses rivales !
Une fois installées, nous nous regardâmes, légèrement perplexes, au bord du fou rire, en réalité. Nous nous étions contentées de tenues qui faisaient pâle figure à côté de la débauche de vêtements affriolants qui s’étalait sous nos yeux ébahis. Jupes courtes, mais sans excès, chemisier lilas pour Laure et t-shirt imprimé pour moi, maquillages discrets, coiffures soignées, rien de tapageur. Nous en avions déjà pris notre parti : nos chances semblaient bien minces face à ce bataillon de femelles dévorées d’ambition.
C’est toute rosissante, le cœur battant, que je me présentai dans le local où se tenait le réalisateur, ou plutôt – je l’appris plus tard – son assistant. C’est que nous n’en étions qu’à la présélection ! Je ne fus pas trop étonnée d’avoir à subir un déshabillage en règle, visuel dans un premier temps, bien réel ensuite. Après m’avoir reluquée sans vergogne, le bonhomme, un rouquin à la mine blafarde, affecté d’une sorte d’acné qui semblait irrémédiable, s’approcha de moi, s’empara d’un de mes seins et, en dépit de mon recul, le soupesa, eut un hochement de tête, puis m’intima l’ordre de me dévêtir. Surmontant ma vive appréhension, je m’exécutai, non sans maladresse, gênée au possible, les joues en feu.
En petite culotte et en soutif, je frémissais sous le regard inquisiteur du rouquin qui affichait un air blasé. Il compulsa ma fiche qui portait mes mensurations et à laquelle était agrafée la photo que j’avais dû adresser à la production. Il leva les yeux, enfourna un doigt dans son nez, y trifouilla un bon moment avant de me lancer :
– Vous pouvez vous rhabiller !
Un peu interloquée, mais surtout soulagée, je m’empressai d’enfiler mes vêtements tout en me maudissant d’avoir accepté cette humiliante mascarade. Vivement sortie d’ici ! On ne m’y reprendra plus ! J’allais sortir sans demander mon reste lorsque la porte s’ouvrit brusquement. Un grand lourdaud, dégarni, les yeux chafouins, les lèvres surmontées d’une imposante moustache poivre et sel, la cinquantaine bien entamée, me fixa un moment avant de s’effacer pour me laisser sortir. C’était là exactement le genre de regard qui me glaçait : déshabillée de la tête aux pieds, considérée comme de la chair, des fesses et des seins : un pur produit commercial !
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Laure avait dû se plier aux mêmes exigences. Elle n’affichait pas plus d’enthousiasme que moi à la sortie de cette séance qui tenait plus de la foire aux bestiaux que de la sélection de figurants.
– Tu as remarqué ? fit-elle, moqueuse, on ne nous a même pas demandé de dire un petit texte !
Sa langue fit une brève apparition, tel le coucou suisse accroché au mur du salon de mes parents.
– Tiens, c’est vrai ! Bah ! je suppose qu’ils s’intéressent plus à nos fesses qu’à notre diction !
C’est en riant aux éclats que nous reprîmes, bras dessus, bras dessous, le chemin de notre petit appartement. Pour nous, les carottes étaient cuites, et nous décidâmes de réfléchir à un autre moyen de nous sortir de notre récent marasme financier.
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Penchées sur le journal, nous étions occupées à cocher les petites annonces, lorsque le téléphone sonna. Laure décrocha, hocha la tête deux ou trois fois, passa un furtif petit bout de langue sur sa lèvre, puis, sous le coup d’une vive surprise, laissa ses yeux s’agrandir et le rouge lui monter aux joues.
– Vous… vous êtes sûr ? demanda-t-elle. Deux journées ? Euh, attendez, je note.
Tout excitée, elle raccrocha et me lança, enthousiaste :
– Ça y est ! on est prises ! Waaaaouw !
– Euh… pour le tournage ?
– Ouiiii ! Toutes les deux, en plus, c’est génial, non ?
Elle me sauta au cou, et me serra dans ses bras, en proie à une vive agitation. Au contact de son corps chaud, tout frémissant, je ressentis une bizarre impression que je ne cherchai pas à définir, Laure ne m’en laissa d’ailleurs guère le loisir.
– On commence à tourner la semaine prochaine ! Ouuuhhh ! Je n’y croyais plus du tout ! Quelle chance ! C’est magnifique !
– Euh… calme-toi un peu, lui dis-je, mi-inquiète, mi-amusée, ça risque de ne pas être si merveilleux, tu sais ! Un tournage, c’est attendre et attendre et attendre encore ! Et puis que va-t-on nous demander de faire ? J’avoue que je ne suis pas très rassurée.
– Oh ! Ne t’inquiète pas ! Nous serons prises en charge, il y a une équipe pour ça, non ?
– Ben j’en sais rien… Bah ! Nous verrons bien !
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Dès le lendemain, nous reçûmes par la poste le synopsis auquel nous aurions à nous conformer. Deux situations étaient prévues. La première était simple, presque anodine : nous devions parcourir une centaine de mètres à vélo. Situation banale en effet, à ceci près que nous ne porterions, pour tout vêtement, qu’une chemise qui nous tomberait sur le bas des reins ! Mais où les scénaristes vont-ils chercher de pareilles inepties ?
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À notre arrivée sur le lieu de tournage, on nous envoya directement au maquillage : on avait disposé tables et miroirs dans une sorte de gros caisson destiné, en temps normal, à entreposer des outils de chantier. Il nous avait été demandé de nous présenter non maquillées et non coiffées. La maquilleuse chargée de nous préparer avait tout du garçon manqué : une nana épaisse, impatiente, brusque, la mine fermée, que tout semblait agacer au plus haut point. Au bout d’une demi-heure, je ressemblais à une véritable pouffiasse : des faux cils insensés, les joues vermillonnées, un rouge à lèvres incendiaire, une coiffure grotesque, façon Bardot mais mal fichue, ouh là làà ! J’avais envie de hurler !
Je me retrouvai peu après au milieu d’un groupe de filles aussi bien attifées que moi et à qui on avait également passé une chemise d’homme. Nous étions à nous regarder, désemparées, ne sachant trop si nous allions nous mettre à rire ou à pleurer. J’avais pensé, naïvement, que nous serions deux à faire la balade à vélo, Laure et moi ; eh bien non : nous formions un groupe d’une bonne vingtaine !
La pauvre Laure n’était pas mieux lotie, côté maquillage ! On l’avait gâtée : sa chevelure avait été épargnée qu’on avait laissé couler sur ses épaules, mais son maquillage était aussi tapageur que le mien. Nous n’aurions pas dépareillé une revue de clowns dans un cirque de passage !
On nous réunit dans la cour et deux assistants nous distribuèrent nos vélos. Je jetai aussitôt un regard méfiant vers ma selle. Vu que j’allais devoir y poser directement mon minou, je tenais à m’assurer de son rigoureux état de propreté. J’utilisai un pan de ma chemise pour lustrer vigoureusement le bout de cuir rigide qui brillait au soleil, aussitôt imitée par la plupart des filles qui affichaient un air perplexe.
Après quelques minutes d’attente, on nous donna le signal du départ. On nous avait expliqué que les caméras se trouvaient un peu plus loin, sur la route. Bien !… La consigne nous avait été donnée de ne pas, ne surtout pas, jamais, en aucun cas, regarder la caméra ! Bon…
Notre petite troupe s’ébranla lentement avant de prendre un peu de vitesse. La sensation était franchement désagréable et le frottement de mes lèvres écrasées sur le cuir déjà bien chauffé par le soleil généreux de cette belle matinée de juillet confinait au supplice. Mais, heureusement, je m’habituai assez vite à ces frottements à vif et la douleur s’amenuisa petit à petit pour faire place à une gêne plus supportable.
Nous roulions depuis quelques minutes, précédées par un assistant qui, criant par-dessus son épaule avant de se ranger sur le côté, nous prévint que nous arrivions sur le lieu du tournage proprement dit. Surprise : de part et d’autre du chemin que nous empruntions se tenaient deux groupes d’une dizaine de figurants qui, face à la route, le pantalon sur les chevilles, étaient en train de s’astiquer le manche sans ménagement ! Un peu éberluées, nous les vîmes redoubler leurs mouvements de va-et-vient alors que nous défilions devant eux. Ils affichaient tous le même air rigolard, à la fois amusés par l’insolite de la situation et émoustillés par la présence de ce groupe de filles qui passaient à leur portée, le cul nu et l’air effarouché.
Une dizaine de mètres plus loin, un autre assistant nous fit signe d’arrêter. Ouf !… Les commentaires allèrent bon train et la plupart des filles pouffaient en frottant aussi discrètement que possible leur minou meurtri.
Brusquement, on entendit un « Silennnnnce ! » hurlé par un mégaphone nasillard et tout le monde se tut. Le calme étrange qui suivit fut bientôt rompu par un « Action ! » qui claqua comme un ordre. Nous vîmes alors approcher, juchée sur un vélo bleu fluo, une grande blonde, entièrement nue, outrageusement maquillée et coiffée façon Festival de Cannes, arborant fièrement une paire de seins visiblement siliconés. Elle affichait un sourire qui se voulait radieux mais qui me sembla bien crispé, ce qui n’avait rien de surprenant quand on voyait à quel point elle était peu habituée au maniement d’une bicyclette, à se trouver cul nu sur une selle rigide et à devoir feindre l’épanouissement sensuel dans de telles conditions. Le groupe des figurants était resté en place et, au passage de la blonde dénudée, se remit à s’astiquer l’épieu, la mine réjouie. Lorsqu’elle passa à notre hauteur, un peu après que l’on eût entendu un sec « Coupez ! », la blonde pulpeuse, visiblement soulagée, s’arrêta aussitôt sur le bord de la route. Plus exactement, elle tenta de s’arrêter. Avait-elle freiné trop brusquement, s’était-elle inconsidérément portée sur le côté ? Quoi qu’il en fut, elle faillir s’offrir une chute qui aurait pu avoir de regrettables conséquences pour son épiderme et, par suite, sur le tournage. Le hasard fit que ce fut Laure, toute proche, qui eut le privilège d’épargner à la vedette du jour une chute peu flatteuse. Je m’avisai que la vedette de ce qui se présentait de plus en plus comme un somptueux navet, n’était plus toute jeune et que, passablement distendue, la peau de son ventre s’offrait de généreux ballottements, à l’instar d’ailleurs ses lolos bétonnés qui glissaient sous la peau de son buste, comme cherchant à s’échapper. Elle avait le sexe entièrement rasé, ce qui lui donnait un faux air de gamine. Le réalisateur voulait probablement imposer l’image d’une femme-enfant… Admettons !
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Toute l’équipe de tournage se déplaça d’une centaine de mètres pour aller planter la caméra en face d’un bâtiment vétuste à la toiture effondrée : une grange désaffectée. On nous fit patienter en nous servant des rafraîchissements et en étalant des couvertures sur l’herbe afin que nous puissions nous asseoir.
Installée à mes côtés sur une couverture fatiguée, Laure me confia :
– T’as vu la vedette ?… C’est quelque chose quand même ! Complètement trafiquée ! Elle s’est fait tout refaire, on dirait !
– Ah oui ?
– Elle est pratiquement tombée dans mes bras, j’ai eu le temps de bien la détailler. Son nez, c’est plutôt loupé ! Son lifting est passable, mais ses lèvres, quel gâchis ! J’espère qu’on lui fera grâce des gros plans !
– Oh, les gros plans, je crois qu’ils viseront une autre partie de son anatomie !
Nous ne cherchâmes pas à retenir notre fou rire.
– Mais je redoute que ce ne soit guère mieux : tu as vu ses fesses : couvertes de boutons et de vergetures !
– Regarde un peu les figurantes ! Il y en a de bien plus jolies qu’elle.
– Oui, mais qui n’ont sans doute pas accepté de coucher avec le réalisateur !
C’est là que notre entretien fut interrompu : on nous pria de remonter en selle. La reprise de contact avec le cuir qui avait eu à nouveau tout le temps de bien chauffer ne fut pas des plus plaisantes.
À hauteur de l’équipe de tournage, j’eus du mal à contenir le rire sauvage qui me montait aux lèvres : lorsque nous passâmes à nouveau devant le groupe des figurants, accoutrés différemment de manière à laisser penser qu’il s’agissait d’un nouveau troupeau d’obsédés du minou cycliste, ils étaient une nouvelle fois occupés à se besogner l’obélisque, affichant cependant un air moins enthousiaste, ce qui était compréhensible !
Il fallut faire plusieurs prises en raison de difficultés techniques. La plus significative d’entre elles étant la panne d’érection de la plupart des figurants. Le braquemart fumant de l’un accusait une incontrôlable surchauffe ; un autre avait beau secouer rageusement son chibre rétif, il n’arrivait plus à obtenir la rigidité souhaitée ; un troisième, courbé sur son bas ventre, invectivait tout bonnement son phallus anémié qui pendait entre deux jambes aussi velues que celles du yéti ; un autre encore, tordait comiquement son engin ramolli entre ses doigts fébriles, espérant le ramener, par ce traitement vigoureux, à un minimum de digne virilité.
Était-ce le soleil, la colère ou une combinaison des deux : écarlate, le réalisateur fulminait. La chemise auréolée des marques d’une abondante transpiration, il jetait au ciel des bras implorants.
– Bande d’eunuques ! hurlait-il, l’œil mauvais, la moustache en bataille. Tas d’impuissants ! enchérit-il, l’écume aux lèvres.
Une distribution générale de viagra finit par résoudre – à peu près – le problème. La cinquième prise fut la bonne ! Ouf ! Je n’en pouvais plus, minette me lançait des éclairs furibonds ! Le regard éperdu que me lança Laure, qui venait de descendre de selle, me fit deviner qu’elle devait se trouver dans un état similaire.
Je m’avisai soudain, et pour la première fois d’une façon aussi nette, que Laure était une bien belle fille ! Et cette tenue assez loufoque lui donnait un petit air paumé qui la rendait particulièrement sexy. Je ne m’étais jamais avisée – je me l’étais probablement interdit – qu’elle était si attirante. Avec ses lèvres pulpeuses ; avec ce bout de langue qui, justement, pointait comme pour me provoquer alors que, j’en étais certaine, c’était juste sa petite manie qui opérait sans qu’elle s’aperçoive de l’effet que ça me procurait. Était-elle consciente de mon trouble ? Elle me regardait d’une façon bizarre, comme gênée, elle… elle s’était mise à rougir et, serrant les cuisses, tirait sur le pan de sa chemise comme pour dissimuler sa mimine que… oh mon dieu, que je crevais d’envie d’apercevoir. La chose eut pour effet de tendre le tissu de sa chemise sur ses seins qu’elle avait un peu lourds mais qui me parurent, là, sur le coup, bien attrayants ! Mais… mais qu’est-ce qui m’arrivait ?
La chose s’imposa soudain avec une criante évidence : j’étais en train de manger des yeux ce beau brin de fille, de… de la désirer. Je m’entendis déglutir, je devais être écarlate, en proie à un trouble profond, je sentais mon cœur battre la chamade. Je tentai de me ressaisir, de penser à autre chose, de me détourner, mais… le regard pénétrant qu’elle me lança avait cet éclat particulier que je ne connaissais que trop bien. Il devenait manifeste qu’elle éprouvait la même chose que moi ! Cette pensée me tétanisa et je n’osai plus bouger. Nous étions là, toutes deux, à peine vêtues, maquillées comme de vraies putes, le sexe en feu, probablement en train de bien mouiller déjà, ressentant une vive attirance, jamais avouée. La proximité des techniciens qui couraient en tous sens, celle des filles qui s’interpellaient ou enfilaient une culotte dans l’attente de la prochaine prise, cette atmosphère agitée, un peu loufoque, tout cela contrastait tellement avec notre état que j’avais le sentiment que nous étions toutes deux passées dans une autre dimension.
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Alors que nous sortions de la cabine où, nos prestations du jour accomplies, nous avions pu nous démaquiller et reprendre à peu près figure humaine, il nous fut donné d’assister à une scène navrante : ayant réalisé que le tournage se poursuivait tout à côté, poussées par la curiosité, Laure et moi fîmes le petit détour qui nous amena sur le lieu où se déroulaient les ultimes prises de vue de la journée.
La blonde pulpeuse était en train de se faire sodomiser par un énorme noir qui la labourait sans ménagements, ruisselant de transpiration, les lèvres retroussées sur des dents en pointes, ses yeux fous roulant dans des orbites dilatées, il émettait une sorte de grognement continu, tel un fauve à l’affût. Ses immenses mains griffues étaient plantées dans les fesses de la blonde qui gémissait. De grosses larmes roulaient sur ses joues, et il ne s’agissait manifestement pas de larmes de bonheur ou de plaisir. La grimace qu’elle nous offrait, sans en avoir conscience, relevait bien de la douleur et non de la volupté. Mais l’équipe technique s’affairait autour de sa croupe qui était prise en gros plan et les états d’âme de la blonde n’étaient certes pas à l’ordre du jour. À l’évidence, le colosse en rut ne se souciait en aucune façon du sort de sa partenaire. Il était payé, grassement sans doute, pour bourrer un cul et il bourrait !
Écœurées, Laure et moi prîmes le chemin du retour. Pour la première fois depuis bien longtemps, nous passâmes une soirée maussade. Le souvenir des violences auxquelles nous venions d’assister se mêlait à celui de notre trouble et tout cela ne faisait pas bon ménage. Au moment de nous faire la bise avant de nous coucher, après avoir suivi d’un œil distrait un thriller américain plutôt médiocre, nous n’osions nous regarder, en proie toutes deux à une honte lancinante. Cette journée nous avait laissé à l’âme un sentiment de salissure.
2 – Au feu.
Au petit déjeuner, la gêne ne nous avait pas quittées et, contrairement à nos habitudes, nous n’échangeâmes aucune de ces joyeuses plaisanteries qui, le plus souvent, agrémentaient notre premier repas de la journée. Nous nous rendîmes sur le nouveau lieu de tournage avec des pieds de plomb. Il s’agissait, cette fois, d’une caserne de pompiers, du moins, c’est ce que le réalisateur aurait bien voulu faire croire : le bâtiment, vétuste, insalubre, malodorant, semblait abandonné depuis des années. La production avait probablement dû faire des économies.
Dans ce qui était censé représenter le corps de garde des pompiers, la blonde, entièrement nue, affalée sur un tas de couvertures frappées aux armes d’une improbable municipalité, tenait entre ses mains deux chibres raides et luisants qu’elle branlait de manière mécanique tout en suçant un troisième. Autour de ce petit groupe, une dizaine de figurants, les mêmes que la veille, avaient rabattu le lourd pantalon des pompiers sur leurs chevilles enfermées dans de courtes bottes épaisses. Et, devinez quoi ? Ils s’astiquaient consciencieusement, et en cadence, s’il vous plaît, le légume au garde-à-vous !
Il fallut pas moins de huit prises avant d’arriver à ce que le réalisateur voulait : que tous ces loustics éjaculent en même temps sur le visage, la poitrine, les épaules, la chevelure, le ventre de la blonde ravie ! Ravie ?… Enfin, en théorie… car la blonde, d’une prise à l’autre, semblait de plus en plus prête à péter les plombs. J’en avais mal pour elle ! Et je ne parle pas de ses yeux rougis par l’agression d’un jet de sperme qui, après s’être englué dans ses cils, était passé sous ses paupières. Il me sembla qu’elle contenait des larmes, qu’elle était au bord de tout plaquer, de hurler, peut-être, et je regrettai sincèrement qu’elle ne le fît pas ! Le cœur soulevé par cette odeur de fauve qui flottait dans l’air moite, je m’éloignai de la scène non sans avoir jeté un dernier coup d’œil à la star inondée qui observait d’un œil hagard – un seul – le fleuve de sperme tiède qui s’écoulait lentement dans sa silicone vallée.
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Et puis, ce fut notre tour. Toujours aussi outrageusement maquillées, mais vêtues en pompières (uniformes rouges avec bandes blanches fluo), dépoitraillées à souhait, nous devions avoir l’air absolument fascinées par les lances que nous maintenions entre nos cuisses, Laure, moi et quelques autres figurantes. À la demande d’un des assistants, nous devions nous frotter le minou sur le cuivre du bout de la lance. Belle pièce de métal, bien astiquée, mais plutôt froide et malaisée à manipuler. Bref, pas très excitant !
Sur un signe du réalisateur, un assistant vint brusquement se placer derrière moi. En quelques gestes brutaux, il baissa mon pantalon, m’obligea à me mettre à quatre pattes et se retira pour laisser place à un grand noiraud tout nu, hormis les courtes bottes, tout velu, tout frisé, l’air un peu paumé, qui s’agenouilla derrière moi et plaqua son chibre amolli sur ma vulve étonnée. Il se mit à onduler du bassin, nous imposant un mouvement de va-et-vient que j’épousai sans aucune conviction. Le gros ver de terre flasque qui s’écrasait sur mes lèvres ne m’inspirait qu’une vague répulsion que je tentai, tant bien que mal, de dissimuler derrière un sourire forcé.
Bien vite, un autre assistant vint s’accroupir devant moi pour me hurler au visage :
– Mais tu te crois où, toi, pouffiasse ? On te paie pas pour rester là la gueule ouverte ! C’est du sexe ici, t’as pigé ? Tu sais ce que c’est au moins, le sexe ? connasse ? Eh ben ça a pas l’air ! D’où elle sort cette demeurée ?
Je me mordis la lèvre pour ne pas hurler. J’avais envie de gifler ce crétin, de me redresser et de tout plaquer là non sans m’être soulagée en leur disant ma façon de penser quant à leurs méthodes.
Je l’aurais fait sans doute, mais Laure était là qui me faisait face et je fus soudain inondée d’une honte qui me paralysa. Elle me fixait, ébahie, et je sentis bien qu’elle partageait pleinement mon sentiment de gêne, d’impuissance, d’avilissement. Je sentis monter tout doucement une colère sourde que je parvins à brider cependant. Le frisé, dans mon dos, s’agitait de plus en plus et feignait le plaisir qu’il était censé prendre à me sodomiser. Je tentai une grimace destinée à exprimer le plaisir intense que j’étais censée ressentir sous les vigoureux assauts de l’étalon qui faisait semblant de me besogner avec assiduité.
Ce que je lus à ce moment dans le regard de Laure me bouleversa. Je la sentis si proche, si complice, si émue, si troublée… Elle était avec moi, je le sentais au plus profond de mes entrailles. Curieusement, je réalisai que, pour elle, j’étais toute prête à vivre ces émois, ces assauts de sensualité que cette équipe de forcenés malhabiles tentaient vainement de provoquer en moi. Oh non ! ils ne me voleraient pas ça, pas cette douceur, cette tendresse, cet émoi que je ressentais pour cette belle fille qui m’était soudain devenue si proche, si chère, en ces circonstances rocambolesques.
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Le « Coupez ! » que je désespérais d’entendre survint enfin. Je me dégageai de la molle étreinte du frisé et me redressai pour chercher, en un réflexe de dérisoire pudeur, à me couvrir tant soit peu. Je remontai mon lourd pantalon et resserrai sur mes épaules la large veste des gens du feu que je venais de récupérer. Je me sentais avilie, souillée, et une sourde colère grondait en moi. Sans Laure, il était clair que j’aurais tout planté là et serais partie sans demander mon reste ni même un quelconque salaire : à mes yeux, l’argent de la honte !
C’est avec un vif soulagement que je me retrouvai à l’air libre, loin de cette équipe de tournage qui me donnait la nausée. Je cuisais sous les épais vêtements ainsi que sous la morsure d’un soleil qui se voulait généreux. J’optai pour une tenue plus adaptée et enfilai la large chemise de la veille ainsi que ma petite culotte.
Laure, qui m’attendait sur l’herbe, s’était empressée de m’imiter. Habitée sans doute par les mêmes sentiments, elle ne chercha pas le contact ; je ne l’y encourageai guère, nos regards se fuirent. J’en éprouvai une profonde détresse et me maudis d’avoir accepté ce tournage débile qui risquait de me faire perdre une amie, et ceci au moment précis où elle me devenait si chère, où je découvrais tout son potentiel de séduction, toute sa sensualité, tout son charme. Je me mordis les lèvres pour contenir la violente bouffée de chagrin qui me montait à la gorge.
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La pause me parut interminable. J’errai entre les cabines qui me parurent hostiles ; je m’assis un moment sur l’herbe où je fus repoussée par une colonne de fourmis ; je m’éloignai un peu vers un champ tout proche où les vaches avaient l’air de se payer ma tête ; je revins sur mes pas et tentai de m’intéresser aux bavardages des figurantes que rien de tout cela ne semblait émouvoir. Elles riaient, fumaient, tripotaient leurs portables et m’envoyaient des œillades vaguement hostiles.
Je sentis une présence dans mon dos et me retournai vivement. C’était Laure. Elle me fixait d’un air étrange, elle semblait bouleversée. Elle avait une mine attristée que je ne lui connaissais pas. Avait-elle pleuré ? Ses yeux rougis semblaient en attester. Son air se fit suppliant, je réalisai soudain à quel point ce regard était un appel, un cri muet, une invite informulée. Le rouge me monta aux joues… Brusquement, plus rien n’exista, plus rien du tout, à part ce regard qui me vrillait, qui me remplissait, qui s’insinuait en moi et prenait possession de mon être. Je me mis à vibrer. Sans saisir la vraie nature de ces instants irréels, je sentis que quelque chose allait se passer, que quelque chose devait se passer ou nous exploserions sur place, toutes les deux !
Je jetai autour de nous un regard circulaire dans l’espoir informulé de trouver une échappatoire… C’est alors que je m’aperçus que nous n’étions guère éloignées d’une de ces cabines de chantier qui abritaient les salons de maquillage. Sans réfléchir, je pris Laure par la main et l’entraînai à ma suite. Une petite rousse nous regarda passer en trombe, l’œil arrondi, puis s’en alla rejoindre les autres qui s’étaient assises en cercle sur l’herbe et se défoulaient en riant bruyamment.
Dans la cabine, personne ! C’était ce que j’espérais ! Je rabattis derrière nous le panneau métallique qui fermait l’entrée et actionnai le loquet : nous ne serions pas dérangées. Autour de nous, s’étalait sur les petites tables un joyeux bric-à-brac constitué de pots en tous genres et de toutes tailles, de peignes, de brosses, de pinces, de trousses diverses, bref, tout ce qui peut encombrer une table à maquillage. Au milieu de chaque panneau latéral, un grand miroir s’étendait du sol au plafond surbaissé. Du matériel de tournage : câbles en tous genres, projecteurs, bobines, jonchait le sol dans un joyeux désordre.
Nous trouver ainsi brusquement plongées dans la pénombre moite de ce lieu insolite créa probablement la salutaire rupture avec le monde farfelu, tout baigné d’un soleil cru, que nous venions de quitter. Le silence relatif qui régnait dans cette cabine peu hospitalière acheva de nous projeter hors de la réalité. Un moment hésitantes, comme suspendues à un fil magique, nous nous regardâmes, balançant entre l’éclat de rire et l’élan sensuel. N’y tenant plus, Laure se jeta dans mes bras, comme éperdue, en proie à une vive émotion. Je la serrai fort et ressentis aussitôt une bouffée de tendresse me serrer la gorge. Son cœur cognait… ou était-ce le mien ? Sa peau toute chaude encore de la morsure du soleil vibrait sous mes paumes affolées qui lui parcouraient les épaules puis le dos. Sa poitrine vint se blottir sur la mienne, sensation délicieuse que ne contrariait nullement la fine épaisseur de tissu qui nous séparait. Je sentis ses pointes dressées contre ma chair électrisée. Nos jambes s’emmêlèrent et je ne pus réprimer un petit gémissement lorsque son fruit juteux vint s’écraser sur ma cuisse offerte. Aussitôt, mon bassin s’inclina vers l’avant, pour mieux accueillir son désir. Nos souffles étaient devenus haletants, j’avais l’impression qu’ils emplissaient tout l’espace, amplifiés par la résonance du métal. Ses joues brûlaient les miennes. Je m’écartai et nos regards se croisèrent. Aucun doute : nous étions en proie à la même folie.
– Mon Dieu, Dom, qu’est-ce qui nous arrive ? Je… c’est insensé !
– Je… je ne sais pas… mais… Oh ! que c’est bon ! Que c’est fort…
Mue par une impulsion soudaine, que je ne cherchai nullement à réfréner, je l’embrassai sur la bouche en un élan sauvage. Elle me répondit aussitôt et nos langues s’emmêlèrent, se lancèrent dans un jeu affolant de course-poursuite, se léchèrent, s’immobilisèrent un bref instant avant de repartir de plus belle. En même temps, nous nous frottions l’une à l’autre afin d’accentuer la sensualité du délicieux contact de nos chairs bouleversées.
Je sentis que je mouillais comme une folle et que Laure n’était pas en reste. Nous étions excitées au plus haut point, haletantes, les joues en feu, la chatte ruisselante, enivrées par nos odeurs de transpiration et de sexe. Que c’était bon, que c’était puissant ! D’autant plus que nous réprimions sans doute cet élan depuis fort longtemps. Sans plus aucune retenue à présent, nous nous mangions les lèvres, nous léchions le cou, les seins, nous pétrissions nos chairs affamées, nous laissant gagner par l’ivresse de nos sens en furie. Nos mains se parcouraient en tous sens, affolées ; nos bouches se cherchaient à nouveau, affamées ; nos regards se croisaient à tout moment, éperdus. Je vis poindre une larme au coin de l’œil de ma tendre amie, et une petite explosion se produisit dans mon ventre. Je savais son état, j’en fus bouleversée, l’instant était magique ! Je léchai avidement cette larme naissante. Pour Laure, ce fut comme un signal, réprimant une sorte de sanglot de bonheur, elle se mit à me serrer sauvagement, je répondis aussitôt à son étreinte et nous demeurâmes un long moment à nous écraser l’une contre l’autre, comme en proie à une incoercible détresse. Les moments de grand bonheur sensuel sont graves, et nous étions pénétrées en effet de la gravité de ce qui nous arrivait : un bonheur inouï, qui nous pénétrait au plus profond et auquel nous n’osions pourtant encore céder complètement, affolées par la force même de ce que nous éprouvions.
J’ouvris les yeux un moment et me figeai : je venais d’apercevoir, dans un des grands miroirs, nos corps enlacés. Laure suivit mon regard. L’image que la surface plane nous renvoyait était proprement obscène : deux filles pratiquement nues, rouges d’excitation, en train de se peloter, de se lécher, de se frotter, sans aucune pudeur ni retenue. Nous demeurâmes un moment immobiles, comme si nous venions de nous aviser de la présence d’un intrus qui nous aurait matées sans vergogne. Mais notre surprise fut de courte durée et nous reprîmes nos ébats au point où nous les avions laissés. Il ne fallut pas longtemps avant que nous ne gisions sur le sol, enlacées, nous distribuant coups de langue gourmands et caresses affolées. Vorace, j’avalai ses lèvres, les étirai, les mâchouillai, les imprégnai de ma salive avant de les relâcher sous les soupirs d’aise d’une Laure qui frissonnait. Je ne sus d’où me venait une telle audace, je me sentais sauvage, éperdue, hors de moi. Laure gémit sous l’assaut de ma langue qui venait d’investir sa grotte brûlante pendant que mes doigts prenaient grand soin de son clitoris tout énervé, tout frétillant. Elle ne tarda guère à envahir à son tour mon puits d’amour pour se délecter de mon jus en grands coups de langue gourmands. Grisée par les bruits mouillés, enivrée par la forte odeur de sexe, je sentis monter l’orgasme, ravageur, irrépressible. Laure haletait, couinait, lançait sa tête en tous sens, les joues en feu, les yeux révulsés. Son plaisir vint bien vite se joindre au mien.
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Étroitement enlacées dans la pénombre, toutes vibrantes encore de nos ébats, nous nous regardâmes longuement, émues, attendries, heureuses. Mais il allait falloir nous ressaisir : il y avait encore une séquence à tourner et on devait commencer à se demander où nous étions. Nous rhabiller fut rapide ! Rajuster notre maquillage fut un peu plus délicat… Comme nous sortions de la cabine, j’avisai, dans un coin, perdue au milieu d’un tas d’accessoires, une grosse caméra avachie, débranchée, dont l’œil noir et morne fixait l’endroit précis où nous nous trouvions quelques minutes auparavant.
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