Braderie

Dinch nord, in a quèr d’êt toudis bradeu !

Oh pardon, je disais que dans la région du « Nord Pas-de-Calais », on aime bien flâner dans les braderies, le dimanche matin ou encore le samedi après-midi. Pour ceux qui ignoreraient ce que c’est, on appelle ça, selon les régions, des « vide greniers », des raideries ou éventuellement des brocantes. En clair, on étale sur son trottoir tout ce qui est étalable et on essaye de le vendre. Et effectivement, on trouve de tout et de n’importe quoi.
Le plus étrange, que j’ai découvert il y a quelques années à la grande braderie de Lille, fut une ancre de bateau d’au moins trois ou quatre mètres d’envergure, une ferraille dantesque bien rouillée, presque une sculpture moderne. J’ignore comment le vendeur avait pu faire pour l’amener en plein centre ville et j’ignore encore plus comment l’acheteur est reparti avec car quand je suis repassé deux heures plus tard, l’ancre avait disparue mais pas l’étal !

Il fait beau, très beau en ce début septembre. Le réchauffement climatique a du bon. Je sens que je vais me faire lyncher à proférer ce genre de remarque. Mais est-ce pire qu’une réputation de région où vivent les pingouins ?

Donc je me promène et c’est fort intéressant, et pas qu’au sol. Autour de moi, une profusion de décolletés ravageurs, de jupettes miniatures, de nombrils à l’air avec ou sans piercing, de jambes galbées, de chevilles sanglées et parfois de talons aiguilles. Amusé, j’inventorie aussi les différents tatouages provisoires qui constellent les peaux dénudées. Certains me donnent vraiment envie d’aller voir où ils s’achèvent…
Il est tout aussi intéressant, penché sur un étal, d’avoir une vue plongeante dans un admirable décolleté carré ou triangulaire qui s’offre sans retenue et en toute innocence à vos yeux émerveillés. En effet, beaucoup de vendeurs et surtout pour moi, de vendeuses, sont assis à même le sol. Et pour reprendre une expression triviale, il y a du joli monde au balcon par cette belle journée.

Mon sac à dos se remplit doucement de quelques bandes dessinées et de diverses bricoles achetées sur l’inspiration du moment ou sous l’influence du soutien-gorge en dentelle que j’ai pu admirer tout en acquérant des trucs inutiles sauf pour boucher un trou sur une étagère. Tant pis, ce n’est pas à mon âge (pas encore canonique) que je me referai…

Et puis, il faut que je me change les idées et quoi de mieux que d’oublier une femme avec d’autres femmes. Sans crier gare, Inès m’a préféré un collègue plus arriviste, plus jeune loup avec des dents à rayer le parquet. Il est vrai qu’il finira certainement sa vie comme dirigeant ou politicien. Et comme, contrairement à lui, j’ai toujours privilégié réussir ma vie à réussir dans la vie, il y avait peu de chance que mon ex devienne Madame la Directrice… Elle a donc été éblouie par sa prestance, son charisme et tout le reste (montre, voiture, vacances…) et moi, pauvre amoureux transi, je n’ai rien vu venir. Tant qu’elle sera amoureuse, cela ira bien pour elle mais connaissant mon gus (expression du nord pour signifier un quidam), elle risque de déchanter un beau jour…
Je n’aurais jamais cru, il y a quinze jours, pouvoir en parler aussi sereinement. Je vaquais alors comme une âme en peine dans une maison trop vide : Inès avait toujours reporté la naissance du premier à plus tard. Parfois, j’imagine que, déçue, elle me revienne… Qui sait… Et que ferais-je ? Je ne sais pas.

Ce que je sais, c’est que je me sens bien à déambuler sans but précis parmi une foultitude d’objets hétéroclites exposés à mes pieds dans ce petit village pas très loin du mien. Enfin quand on parle de village, il faut préciser qu’il y a trois à quatre mille habitants dans celui-ci et un peu plus dans le mien, c’est courrant dans le bassin minier, ce genre de « petit village ».

Ah ? Deux choses intéressantes à gauche, à dix mètres, là, entraperçues dans la foule : une boite de jeu jaune à coin bleu et une mignonne naissance de seins juste au-dessus. Je m’approche. Oui, c’est bien un jeu de chez Ravensburger, ils font de bons jeux de société, les allemands, et celui-là, je ne l’ai pas. Quant aux seins de la gente demoiselle accroupie, ils ne sont pas mal du tout ! Délicatement dorés, bien mis en valeur par le T-shirt beige à rayures qui les encadre. Ses genoux aussi, ceints par une classique jupe foncée, légèrement fendue sur les côtés, sur au moins un côté, laissant apprécier la ligne d’une cuisse fort tentante, un peu blanche par contraste. Je ne vois toujours pas son visage, à cette charmante personne mais je brûle de lier conversation avec elle et pas seulement pour le jeu qui s’étale à ses pieds gracieux sans vernis, enlacés dans de fines sandalettes blanches.

C’est délirant l’état dans lequel je suis, tout ça pour, au départ, une paire de seins, mignons, il est vrai. Quelque part, ça me rassure, je suis capable d’éprouver une excitation pour une belle anatomie alors que je m’en serais cru incapable, il y a peu.

Je m’approche toujours à travers les flâneurs et les bradeurs qui encombrent ma route vers cette accorte inconnue. Peut-être, son visage est… Non, je préfère ne pas y songer. J’ai cru apercevoir des mèches blondes, plutôt châtain clair.

C’est étrange, plus j’avance vers cette inconnue, plus la distance s’allonge, comme l’arc en ciel et le chaudron plein d’or irlandais. Et plus, il y a de gens entre elle et moi. Tout le monde s’est donné le mot ou quoi ? On dirait aussi que tout fonctionne au ralenti autour de moi, que les secondes paraissent des minutes…

Un mur de gens se dresse devant moi, deux familles qui se rencontrent et discutent. Il faut que je les contourne mais leur masse compacte me semble démesurée. Intérieurement en rogne, je commence mon détour. Toujours cette obsédante impression de ralenti.

Soudain un flot de bradeurs m’arrive en pleine figure, un flux incroyable qui me repousse, qui me balaye avec eux. J’échoue de l’autre côté, presque à mon emplacement d’origine quand je l’avais entraperçue, elle.

Alors je tente de refranchir le fleuve qui me sépare d’elle… Le fleuve ? Je suis dans un curieux état d’esprit, moi ! L’horizon se dégage, les nuages sombres des gens s’écartent. Dans une trouée, je la vois toujours accroupie, sa tête aux mèches claires qui cachent son visage au bas apparemment arrondi, bordant des seins magnifiques, posés comme deux fruits à croquer sur un fin et petit soutien-gorge blanc. Dans la pleine luminosité qui revient, je peux alors la contempler dans toute la splendeur d’un adorable corps doucement doré aux courbes pleines et harmonieuses, une femme dans toute la plénitude de ses trente ans.

Légèrement tremblant, je me plante à un pas du jeu, qui est devenu le cadet de mes soucis.

C’est alors qu’elle lève la tête vers moi.

Tout ceci n’a duré que quelques secondes, même pas une minute. Tout ceci n’a rien été à l’échelle du temps, un goutte dans une océan et pourtant, j’ai l’impression qu’il m’a fallu des siècles pour arriver jusqu’à elle. Elle dont je ne sais strictement rien, elle dont je ne connais rien. Et que tout va se jouer, maintenant, en quelques secondes qui seront peut-être mon plus grand regret dans dix ans, dans vingt ans ou plus loin encore. Peut-être aussi qu’il ne se passera strictement rien, qu’il n’y aura rien, que j’oublierai dès demain tous ces instants étranges, irréels.

Deux yeux clairs me transpercent littéralement au fin fond de mon âme.

Un sentiment de flottement m’enveloppe. Des images étranges surviennent. L’une d’elles, plus persistante, me monte une vaste et morne plaine verte à l’horizon brumeux et humide dans un silence pesant, une solitude des steppes sans fin. Soudain le ciel grisâtre se déchire et un soleil étincelant transperce les nuages en mille rayons colorés, remplissant l’air moite de chaleur. Puis la vie revient, les oiseaux d’abord, les animaux ensuite et pour finir les enfants. Je ne sais pas d’où je tire cette cinématique, elle s’impose à moi, c’est tout. Elle semble durer de longues minutes et pourtant, je sais pertinemment qu’il s’est écoulé à peine trois secondes.

Un nez mutin pointe vers moi, des lèvres pulpeuses s’entrouvrent.

Cette femme est… Comment dire… Il me manque les mots. Fantastique ? Merveilleuse ? La vague partie de moi qui raisonne à peu près correctement m’indique que mon vocabulaire est aux abonnés absents et qu’il n’est pas raisonnable d’avoir un coup de foudre biochimique et dévastateur sans connaître la dame en question. Mais déjà cette nébuleuse partie de mon cerveau qui fonctionne encore à peu près raisonnablement se prépare à se faire submerger d’ici peu par une irréalité intégralement passionnelle. Pour pondre des expressions pareilles, je ne dois plus être dans mon état normal !

— Oui ? Vous désirez ?

Et en plus, sa voix est adorable, caressante ! Tout, je vous dis, tout ! Elle m’annoncerait qu’elle est contrôleuse du fisc et qu’elle vient pour me faire un redressement de 2 millions d’euros, que je serais capable de l’accueillir à bras ouverts et de déboucher le champagne sur le champ.
Pour me donner une contenance, j’indique le jeu à mes pieds et demande d’une voie la plus détachée possible :

— C’est pour ce jeu, le Lièvre et la Tortue de Ravensburger. Vous le faites à combien ?
— Six euros, il est quasiment neuf… Regardez vous-même !
— C’est vrai ! Ajoute une autre voix.

C’est une jeune fille agenouillée trois mètres plus loin qui vient de parler. Certainement sa petite sœur car il est indéniable qu’il y a entre elles un air de parenté. Je la découvre seulement maintenant, tant j’étais absorbé par la grande sœur de trente ans. Déjà, la jeune fille m’oublie pour continuer de parler avec un petit groupe de jeunes bradeurs.

M’étant accroupi à mon tour, je me penche sur la boîte en carton pour l’ôter et découvrir à l’intérieur tous les accessoires en parfait état, flambant neufs ou tout comme. Le design très champêtre des cartes et du plateau m’indique que je suis visiblement face à la première version, celle qui a eu une diffusion confidentielle dans notre beau pays, contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne dans les années quatre-vingt. Et six euros, même si c’est plus que ce que je mets d’habitude, ce n’est pas si cher que çà mais dans une braderie, on négocie surtout pour le plaisir :

— Trois euros, ça ira ?

J’applique la règle classique de la division par deux.

— Hé oh, vous poussez, il est intact ! Cinq euros, pas moins !

Elle fait mine d’être outrée, çà fait partie du jeu. Elle secoue sa tête, quelques mèches de sa coupe mi-longue valsent dans tous les sens. Houlà, elle vient de se pencher légèrement vers moi et j’ai droit à une splendide vue sur ses adorables monts qui émergent délicatement de son T-shirt rayé. Je sens que ça va être dur de rester objectif !

— Hummmm… Quatre ? Dis-je le nez plongé vers la boîte pour éviter d’en voir trop !

Son parfum m’enveloppe doucement, insidieusement. Elle est à quelques centimètres de moi, je sens sa présence rayonnante, évidente

— Cinq !

Cinq… Sein… Ma libido part en vrille. Si je dévie un peu sur ma droite et que je me laisse aller, je tombe nez le premier dans son décolleté ! Est-ce qu’elle s’en doute ?

— Q-Quatre… quatre c-cinquante ?

Je suis à la limite du bafouillage lamentable. Je relève la tête. Nous sommes à présent face à face.

— Cinq ! Poursuit-elle, têtue.
— Quatre soixante-quinze ?

Là, elle sourit. Ça me va droit au cœur. Je continue néanmoins :

— Quatre quatre-vingt ? Quatre-vingt-dix ?

Elle continue de sourire, sans dire un seul mot. Une douce chaleur m’envahit, me perfuse le corps de tous mes spores. Vaincu, je lâche :

— Ok, cinq…
— Affaire conclue !

Prenant la boîte de jeu dans ses fines mains, elle se relève prestement. Dieu, que sa jupe est courte ! Il n’y a pas à dire, le bas équivaut le haut et je n’ose pas penser au milieu ! J’ai maintenant le nez presque à la lisière du tissu sombre. Le contraste de ses jambes légèrement dorées et de la jupe ébène est saisissant, je vois distinctement le grain de sa peau et j’ai une envie furieuse d’y goûter !
Néanmoins, je me résous à me lever. Elle me tend le jeu. Maladroitement, je saisie la boîte et par inadvertance, je capture ses mains. Une véritable décharge électrique me parcourt le corps dans ses moindres recoins, me faisant tressaillir de tous mes membres. La même chose a dû lui arriver car, une fois la secousse passée, elle me regarde étonné de ses grands yeux clairs, la bouche ouverte, ses lèvres luisantes. Nous sommes tous les deux comme figés, en suspens. Une partie valide de mon cerveau a remarqué qu’elle n’a pas d’alliance au doigt et tente d’activer tant bien que mal ses cellules grises voisines pour exploiter de cette opportunité. Les gens qui glissent autour de nous sont absents, comme évaporés. Je ne vois plus qu’elle. Un lent tremblement gagnent nos doigts emmêlés et irradient nos bras puis le reste de nos corps dans une douce chaleur lancinante.

Elle détourne la tête, les joues rosies par une visible émotion et retire doucement ses mains des miennes. Tout aussi gêné qu’elle, je fourre le jeu dans mon sac à dos sans trop oser la regarder puis je plonge ma main dans la poche afin d’extirper les cinq euros en question.

J’ai les pièces dans la main, elle tend la sienne, j’hésite sur la manière de lui donner. Du coup, je laisse choir la monnaie d’au moins quinze centimètres, histoire d’éviter une nouvelle électrocution.

Même si j’ai acquis le jeu, je ne peux me décider à partir. Je cherche désespérément un prétexte pour rester auprès d’elle. Dans un premier temps, je fais mine de m’intéresser à l’étal qui est à mes pieds, comme si j’étais à la recherche d’autre chose.

— Vous recherchez des jeux pour vos enfants ? Me demande-t-elle, volant à mon secours.

Je saisis de suite la perche tendue :

— Hélas non ! Mon ex n’a jamais voulu en avoir… C’est un de mes plus grands regrets mais il n’est pas trop tard pour que j’en aie, un jour.
— Ah ? C’est triste ! Je pense que…

Là, elle me dévisage curieusement puis poursuit sa phrase :

— Je pense que vous trouverez facilement une femme qui veuille bien… Oui…
— Je l’espère… vivement… peut-être bientôt…

Je la regarde fixement, une ébauche de sourire sur les lèvres. Je reprends la conversation :

— Excusez-moi, mais qu’est-ce qui vous rend si affirmative ?
— Je le sens, c’est tout !
— La fameuse intuition féminine ?
— On dira ça comme ça ! Et vous la voyez comment ?

Je dandine d’un pied à l’autre.

— Je n’ai pas de critères bien arrêtés… Simplement une femme que j’aime et qui m’aime…

Trou blanc, un ange passe. Puis une deuxième…

— Vous recherchez alors des jeux pour des enfants ? Dit-elle, cassant le silence.
— Des enfants, non… Je n’en ai pas, ni de moi, ni d’ailleurs mais j’aurais bien aimé en avoir d’une femme telle que vous…

Je pique du nez vers l’asphalte, le rouge envahit mes joues. Je ne suis vraiment pas très doué avec mes gros sabots. Je m’en flanquerai des baffes !

— Vous pourriez être éducateur ou instit…
— Euh non… Je travaille dans un bureau d’études spécialisé en thermique et isolation.
— Le chaud et le froid…

J’ai la nette impression que c’est elle qui fait souffler le chaud et le froid sur moi. Elle n’a pas relevé la phrase malheureuse, ou bien, fait comme si…

— Si vous aimez les jeux de société, j’en ai quelques uns dans mon garage, situé là, au fond de l’allée qui est d derrière moi. Pas beaucoup mais des pas très connus.
— Avec joie !

Si je ne m’abuse, elle vient à nouveau de me sauver la mise. Sauf erreur d’interprétation de ma part, en étude comportementale, on appelle ça un signal. Molo-molo, je m’emballe peut-être et je saute sûrement aux conclusions trop vite. Néanmoins je lui emboîte le pas en enjambant son étal tandis qu’elle demande à sa jeune sœur de surveiller.
Les cailloux blancs de l’allée crissent sous nos pas et je peux admirer sa chute de reins ainsi que son derrière qui ondule à chacun de ses pas. Haut, bas, devant, derrière, comme le chantait Brassens : rien à jeter ! Le jardin est bien entretenu, ce n’est pas comme le mien. Tout est décoré sobrement mais avec goût. Même le garage dans lequel nous entrons est nickel : une femme d’intérieur comme d’extérieur !

Elle contourne sa Twingo vert pomme pour accéder à une série de rayonnages. Instinctivement, je tourne la tête pour constater qu’on ne peut plus nous voir de la rue. L’instant d’après, je pose mon sac à dos contre le mur et je la rejoins. Elle s’assied à moitié sur l’aile de sa voiture tandis que je jette un coup d’œil sur sa collection de jeux : il y a effectivement quelques beaux spécimens et pas des moindres !

— Je suis intrigué, vous êtes joueuse vous-même pour avoir ces jeux-là en particulier, les plus réputés dans leurs catégories ?
— Au lycée puis à l’université, j’appartenais à un club ludique. De plus, je suis maintenant bibliothécaire et je me suis battue pour ouvrir une section ludothèque qui marche d’ailleurs au-delà de mes espérances…
— Ah, je comprends à présent ! Mais… pourquoi voulez-vous les vendre alors ?
— Pour jouer à ces jeux, il faut être à moins deux…
— Si… euh… Si ça ne vous dérange pas, j’aimerais beaucoup pouvoir jouer avec vous…
— Ce n’est pas ce que nous faisons depuis tout à l’heure ? Me sourit-elle.

Fébrile, je respire un grand coup et je poursuis sur ma lancée :

— Et j’aimerais beaucoup être votre… partenaire… de jeu…

Elle pivote vers moi, les mains posées sur le capot, le T-shirt tendu magnifiant ses seins. Je m’approche insensiblement d’elle pour retrouver les effluves de son parfum envoûtant.

— Partenaire… dites-vous… Dit-elle en inclinant la tête, une mèche glissant sur son front.
— Partenaire et pas forcément de jeu ! Dis-je fermement en me penchant sur elle.

Jouant le tout pour le tout, je dépose un doux baiser sur ses lèvres luisantes, prêt à recevoir une gifle en pleine figure mais pas de regret d’avoir, malgré tout, tenté ma chance. Un doux frisson de bien-être m’assaille, tout comme elle, je crois. Je m’écarte légèrement de sa bouche, la gifle ne vient pas. Je me recule légèrement pour mieux la contempler, pour plonger dans son regard limpide et j’y vois le reflet de mon propre désir identique au sien. Alors, sans aucune retenue, je la serre dans mes bras et l’embrasse de toute la passion dont je suis capable, de toute cette ardeur que je croyais enfouie à jamais et qui ressurgit comme une nouvelle fontaine de jouvence. Avec un plaisir accru, je sens ses bras autour de moi, ses mains dans mon dos tandis que j’explore sans réserve les moindres sinuosités de ses lèvres voraces, nos langues fusionnant dans une fièvre insoupçonnée, nos bouches soudées l’une à l’autre.
Je ne sais combien de temps nous restons ainsi, le temps n’a plus de signification, nous sommes isolés dans notre monde, égoïstement, complètement et en parfaite fusion. Quand je me détache de ses lèvres chaudes, c’est pour mieux explorer son visage de mille baisers voraces, épouser la pointe de son nez, l’arrondi de ses paupières, le velouté de ses joues puis la courbe de son cou pour ensuite m’en aller dévorer délicatement ses lobes.

Elle est maintenant couchée sur le capot de la voiture, offerte à mes mains baladeuses qui rendent hommage à toutes ses courbes, à ses seins magnifiques et fermes aux pointes qui se tendent sous les tissus, à son ventre délicatement arrondit, au bombé suave, à ses hanches pleines et prometteuses. Ma bouche s’égare aux mêmes endroits que mes mains. J’ai une petite idée du Paradis quand, le nez enfoui dans son décolleté rebondi, mes lèvres goûtent à ses seins que je vénère follement, cherchant leurs volumes, leurs saveurs.
Repoussant de mes dents le fin T-shirt, je passe à l’attaque de son ventre, savourant son goût sucré, vénérant de mes lèvres avides son bombé et son nombril devenu le centre de mon monde, de mon univers. Mes mains s’égarent sur ses cuisses fraîches, sur ses jambes lisses et soyeuses au galbe parfait, na sachant plus où donner de la caresse et du frôlement, tant les endroits de convoitise sont multiples.

Pris d’une poussée de fièvre subite et impérieuse, je me plaque sur elle, lui capturant à nouveau les lèvres, mes doigts passés sous son T-shirt, dans la dentelle de son soutien-gorge, à la recherche de galbes interdits tandis que mon autre main flirte dangereusement avec le fin tissu de son slip, ma paume avide épousant la courbe appétissante de sa fesse offerte.
Ma conquête n’est pas en reste avec ses doigts plongés dans mes cheveux, ses ongles plantés dans la peau de mon dos, sa bouche mordillant la mienne avec la même avidité que moi.

Il nous faut un certain temps pour nous remettre de cette passion vorace, nous restons de longues minutes à nous regarder, toujours enlacés, surpris d’une telle communion de nos sens, tout en nous embrassant furtivement comme des collégiens timides. Emu, je lis un désir infini dans ses pupilles dilatées. Nous savons à présent que nous sommes deux, deux pour jouer, deux pour vivre, deux pour s’aimer.

Les semaines qui suivent voient notre passion grandir, sans limite. Nous nous baladons systématiquement dans toutes les braderies, la main dans la main, nous embrassant dans tous les recoins possibles, faisant ensuite l’amour comme des fous dans le moindre bois ou coin sauvage qui peut abriter nos ébats exaltés lors de notre retour.

Un an plus tard, lors de la même braderie, celle de notre rencontre, nous déambulons, enlacés par la taille, collés, soudés l’un à l’autre. Très souvent, je m’arrête pour caresser le ventre de plus en plus arrondi de ma femme et je sais qu’au prochain printemps, aux prochaines braderies, nous serons désormais trois.

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