Quand je me remémore cette soirée de mai passé, je pense immanquablement à « l’effet papillon de Lorentz ». Vous savez, le battement d’ailes d’un papillon au Brésil qui est susceptible de déclencher beaucoup plus tard une tornade au Texas, autrement dit la théorie du chaos !
De la même manière, pour nous ce sont de simples mots qui ont chamboulé l’harmonie et le modèle traditionnel de notre couple. Quelques phrases bien sonnées, de ces mots cruels qui vous chamboulent et vous font vous remettre en cause.
Jusque-là, nous nous étions aimés de manière simple et naturelle, ma femme et moi. Un amour fait de tendresse réciproque et qui n’excluait pas la sensualité. Un bonheur de tous les jours, à se retrouver et à s’étreindre. Une soif l’un de l’autre inextinguible.
J’aimais son intelligence, sa beauté, son corps tout en courbes. Je m’affolais de ses lèvres pleines, de sa poitrine frémissante, de son petit ventre rebondi, et surtout je me délectais de sa source béante, de son délicieux abricot juteux et parfumé, jusqu’à l’extase. Je ne me lassais pas de l’admirer et de la contempler avec ravissement. Une joie des yeux sans cesse renouvelée.
Pour elle, je le sais, j’étais l’Homme, celui sur lequel elle pouvait compter, se reposer. Qui gérait pour son bonheur les choses de la vie, qui savait la guider, la mener, la rassurer.
Mais pas seulement cela ! J’étais aussi ce corps musclé qu’elle adorait caresser, lécher, manger, et qui la comblait lorsqu’il se penchait sur elle et en elle. Sans doute que mes propos vous semblent être teintés d’un peu de machisme ? Mais je crois qu’ils reflètent bien ce qu’étaient nos sentiments et notre union avant cette soirée là. Jamais je n’avais ressenti une telle communion avec une femme ! De son côté, je voyais bien qu’elle m’accueillait à mon retour du bureau avec une réelle joie.
Donc, ce fameux dimanche de mai, nous avions été invités par Fred et Manuela, qui est d’origine espagnole, pour une soirée-paella. Y étaient également conviés trois autres couples de nos amis.
Il y avait là Jacques et sa capiteuse compagne Sonia, José et Frida, Martina et son nouvel amant, un grand blond du nom de Serge dont visiblement elle était très amoureuse.
Cette journée de printemps semblait déjà annoncer l’été, tant il avait fait beau et chaud cet après-midi-là. Leur jardin, précocement fleuri, donnait à l’air un parfum de bonheur. Nous étions un groupe d’amis visiblement heureux de se retrouver et, l’alcool aidant, détendu et prêt à s’esclaffer de la moindre blague. Les femmes, belles et rayonnantes, nous charmaient de leurs rires cristallins. Nous discutions de tout et de rien, et cela suffisait à notre joie.
En fin de soirée, nos compagnes ont été prêter main forte à Manuela pour la mise en place de la fameuse paella. Immanquablement, la conversation a soudain dévié. Restés entre hommes, nous avons parlé sport, politique, femmes, jusqu’au moment où les cris de ces dernières nous ont appelés.
Quelle somptueuse table nous avait préparé notre hôtesse !
Une pantagruélique paella trônait là, toute colorée et odorante. Un régal pour les yeux qui annonçait le même plaisir pour nos palais. Je vous laisse deviner comme ce festin fut convivial.
Tout en nous régalant et buvant copieusement – un puissant vin rouge de Rioja – nous ne cessions de bavarder, de galéjer et de rire de tout et de rien. L’alcool aidant, au fur et à mesure nos discussions devenaient de plus en égrillardes.
Quand, enfin repus et déjà bien partis, nous avons rejoint le salon pour déguster la savoureuse sangria de Manuela, nous étions tous à moitié pliés de rire à l’évocation des prouesses sexuelles de Fred.
Car, depuis un moment, celui-ci était parti dans une longue évocation de sa liaison avec une naine gourmande. Gourmande de sexe, bien sûr !
Il racontait comment il la prenait à bout de bras. Et comment une fois, ainsi accolés, il s’était pris les pieds dans le tapis et tous deux avaient alors lourdement chuté, sans s’être même interrompus, toujours soudés l’un à l’autre. Il mimait la situation de manière cocasse, se roulant par terre et ondulant des hanches comme dans un coït ininterrompu, sous les rires gras de nos femmes.
Une fois dans le salon, chacun s’est lancé dans une histoire croustillante. Les hommes d’abord puis, mises en confiance, soudain, leurs compagnes. Toutes les inhibitions évaporées sous les effets des boissons, les jeunes femmes s’étaient lâchées. Sans pudeur ni retenue, elles se laissaient aller aux confidences les plus scabreuses !
Je rapporte ici les diverses expériences de manière succincte, car tel n’est pas le sujet de l’histoire, mais je vous prie de croire que les narrations ne manquaient pas de détails croustillants. L’ambiance était montée d’un cran, et les filles, visiblement, prenaient un trouble plaisir à étaler ainsi leur sexualité débridée. L’alcool généreusement servi avait atténué toutes leurs craintes d’être mal jugées.
Manuela a ainsi raconté être tombée amoureuse d’un type extra beau, mais malheureusement doté d’un petit zizi minuscule, un micro pénis d’à peine six centimètres, qui fondait dans sa bouche mais qu’elle avait du mal à ressentir.
Frida, au contraire, nous a assuré s’être enfuie lorsque son amant d’un soir s’était déshabillé, exhibant un chibre monstrueux !
— Il aurait défoncé ma petite chatte, avait-elle précisé en riant.
L’affolante Sonia a narré sa nuit dans un club échangiste où elle s’était lâchée sous les yeux de son ex. Elle ne savait même pas combien d’hommes l’avaient honorée.
Martina, quant à elle, ce qui l’avait marquée, c’était sa brève et furtive étreinte avec un inconnu dont elle avait tout ignoré, jusqu’au prénom.
Les rires étaient devenus rares et les plaisanteries graveleuses. Une excitation sourde emplissait l’air, et les femmes, belles et resplendissantes, rosissaient de leurs propres audaces.
C’est alors que tous les regards de nos amis se sont tournés vers ma femme. Une sourde angoisse m’a soudain étreint. Connaissant ma femme, j’ai craint le pire. Son visage, déjà, reflétait sa gêne. Chacun attendait visiblement d’elle une confession croustillante. Un aveu de perversion.
Mais, au lieu de ça, rien. Un lourd silence s’était installé depuis la dernière narration de Martina.
— Et toi, tu ne nous racontes rien ? s’est décidée à demander Sonia.
Quand, au début du récit, j’ai évoqué la théorie de Lorentz, c’est à ce moment précis, je crois, que je situe l’événement qui devait plus tard chambouler toute notre vie. Une petite phrase, une simple remarque qui bouleversa tout et bouscula l’ordre des choses. Se sentant visiblement le point de mire de tous nos amis, elle avait pris son petit air buté et arrogant que je lui déteste, quand il s’agit pour elle de parler de sexualité :
— Je n’ai jamais connu d’autre homme que mon mari, déclara-t-elle avec un air de contentement irritant.
Et, devant les regards incrédules des uns et des autres, elle a ajouté :
— Je n’ai pas traîné, je lui suis arrivée toute propre !
Sa phrase avait claqué comme une insulte. Les prunelles des femmes ont alors jeté des éclairs. C’était comme si elle les avait traitées de traînées.
— C’est pas possible, a dit Sonia, à notre époque !
— Mais c’est stupide, a surenchéri Manuela, comme outrée, tu n’as rien connu de la vie !
— Moi, je ne t’envie vraiment pas, a ajouté Frida, comme pour enfoncer davantage le clou.
— Pauvre Saxe, a conclu Martina moqueuse, tu as dû sûrement tout avoir à lui apprendre !
— Arriver vierge au mariage à notre époque, a rajouté Frida, c’est vraiment ridicule.
Sous cette pluie de remarques acerbes, ma femme a essayé de protester :
— Je ne suis pas d’accord avec toi, je trouve que c’est un beau cadeau que je lui ai fait !
— Tu parles d’un cadeau, arriver complètement ignorante à son mariage !
— Mais je l’aime et je ne regrette pas de m’être réservée à lui, a tenté de se justifier mon épouse. Nous sommes toujours très amoureux et je suis très heureuse avec lui et… elle hésita un bref instant pour ajouter : et j’adore quand il me fait l’amour !
— Es-tu certaine qu’il le fait si bien que ça, puisque tu n’as pas connu d’autres hommes, pour comparer ?
Sous les remarques acerbes, les larmes semblèrent poindre des yeux tristes de ma tendre. Nos regards se croisèrent un instant. Il me fallait vite venir à son secours, n’était-ce pas ce qu’elle semblait attendre de moi ? J’ai dit :
— Écoutez, les filles, chacun a le droit de vivre sa sexualité comme il l’entend !
Soucieux de calmer le jeu, les voix masculines se sont jointes à moi pour essayer de détendre l’atmosphère.
— C’est vrai, a renchéri notre hôte Fred, soucieux du bon déroulement de cette fin de soirée, il n’y a pas de règles en matière de sexe.
Pour faire diversion, Serge a raconté une blague salace. Les rires gras ont fusé. Les femmes ont fait mine de passer à autre chose. L’ambiance, tant bien que mal, s’était détendue et la soirée s’est gentiment passée dans une bonne humeur retrouvée.
Cette nuit-là, lorsque ma femme et moi sommes montés au lit, elle n’a pu s’empêcher d’évoquer à nouveau l’incident :
— Tu as vu comme elles étaient méchantes avec moi, a dit mon épouse.
Elle s’était blottie contre moi, et je la sentais au bord des larmes.
— Faut dire que tu les as presque insultées.
— Comment ça ?
— En leur disant que tu n’avais pas traîné, c’est comme si tu les avais traitées de traînées, et prétendre aussi que tu étais arrivée propre au mariage, c’était comme dire qu’elles n’avaient été que des dévergondées !
— Ce n’était pas ce que j’ai voulu dire.
— Mais c’est ainsi qu’elles l’ont perçu.
— Remarque qu’il y a un peu de vrai dans ce que j’ai dit. Tu te rends compte des turpitudes qu’elles ont racontées ? Tu ne trouves pas que ce sont de vraies garces ?
— Tu sais bien que ce n’est pas ma façon de voir la vie. Les femmes sont faites pour faire l’amour, le plaisir leur va à ravir, et elles auraient tort de s’en priver. C’est dans la nature des choses. C’est ainsi qu’elles se construisent et évoluent.
— Alors tu regrettes que je te sois arrivée vierge au mariage !
— Pas du tout, je n’ai jamais dit ça. Je t’aime telle que tu m’es arrivée, vierge ou pas vierge.
— Alors, si j’avais fait l’amour avec des tas d’hommes avant toi, cela ne t’aurait pas gêné !
— Pas du tout.
— Moi qui croyais…
Je ne l’ai pas laissée achever sa phrase, je la sentais désorientée, j’ai attiré sa bouche contre la mienne, nos langues se sont mêlées. Bon sang comme je l’aimais ! D’un mouvement du corps significatif, elle m’a attiré vers elle. Ses jambes se sont largement entrouvertes pour m’accueillir. Au contact de sa chair de velours, mon sexe s’est dressé, dur et pénétrant. Nos tensions nous appelaient à nous rejoindre physiquement.
— Prends-moi, me murmura-t-elle soudainement.
Je me suis glissé sans plus attendre dans son antre chaud et humide. Comme elle était douce et brûlante ! J’avais connu beaucoup de tendres femmes auparavant, mais c’est avec elle seulement que le mot aimer a pris son vrai sens. Quand je m’enfonce en elle, c’est là que ma vie entière me semble avoir sa raison d’être. Je me coule en elle et je l’aime, je l’aime et je me coule en elle.
Ce soir-là, plus que les autres, nous avions besoin d’effacer nos tensions. J’avais largement écarté ses cuisses et distendu ses lèvres gonflées et gluantes de mouille. Comme elle était bonne et brûlante, ma petite fente chérie ! C’était si délicieux d’aller et venir profondément dans ce tunnel d’amour. Lorsque je suis dans cet état de passion, je peux me couler sans discontinuer pour lui prodiguer ma tendresse. Je ne prends pas mais je donne, je dispense, je vais jusqu’au plus profond d’elle, me fonds, me glisse à sa seule écoute, à son unique plaisir. Je ne suis qu’amour. Amour de sa chair, de ses parfums, de ses coulées.
Elle geint, elle crie, elle jouit, et je vais et viens sans discontinuer.
Quand je suis dans cette disposition-là, j’oublie tout, je me fonds en elle, je m’unis à elle jusqu’à l’extase. Ses orgasmes multiples et profonds me comblent. Sans discontinuer, je lui dis que je l’aime, que j’adore sa chatte, que c’est ma petite chérie. Et je sais que mes paroles susurrées tendrement ont un pouvoir d’excitation très puissant, tant elle ondule du bassin dans ces moments-là.
Ce soir-là donc, notre union a été totale. À un moment, comblée de jouissance, elle m’a attiré plus fortement en un long cri d’orgasme. Je l’ai sentie tremblante sous moi. Elle a crié :
— Viens maintenant, viens !
Alors, dans un long feulement, je me suis épandu longuement en elle. J’ai inondé sa matrice de ma semence d’amour. Nous avons crié en même temps, nous avons joui de concert.
Dans les jours qui suivirent, ni l’un ni l’autre n’a éprouvé le besoin de revenir sur cette soirée-là.
Je la sentais tendue et je devinais qu’un long travail de réflexion se faisait en elle.
Rien dans nos relations ne s’était modifié, nos retrouvailles du soir étaient toujours aussi torrides, mais cependant quelque chose en elle avait été touché. Ses certitudes ébranlées, j’en avais la sourde intuition !
Le doute avait envahi son esprit, son monde intérieur était secoué. Son regard bleu avait comme perdu de sa transparence. Parfois je l’observais à la dérobée, ses yeux dans le vague, ailleurs, comme cherchant à appréhender désormais un monde ou d’autres morales que la sienne avaient cours.
Un mois, presque, s’était écoulé depuis notre fameuse sortie. Nous prenions le café dans notre salon, quand soudain elle s’est ouverte :
— Tu sais, chéri, j’ai bien réfléchi…
Elle avait laissé sa phrase en suspens. J’ai dit :
— Oui ?
— Je crois que je me suis conduite comme une imbécile chez Manuela.
— Ah bon ?
— J’ai sans doute été très blessante, et c’est vrai que comme tu l’as dit, je les ai quasiment traitées de traînées.
— Il me semble.
— J’ai révisé ma façon de voir les choses, et je pense que ma morale est complètement dépassée.
— Que veux-tu dire par là ?
— J’ai constaté que, tout autour de moi, les femmes avaient fait leur vie avant le mariage, et que ma conception judéo-chrétienne de la virginité était complètement périmée.
— Je te l’avais bien dit : le rôle des femmes, c’est de faire l’amour, pour notre bonheur et pour le leur surtout, et il n’y a pas de mal à se faire du bien, comme on dit.
Je l’ai sentie un peu égarée à cet instant-là. Je l’ai serrée longuement contre moi, comme une petite fille malheureuse, et je l’ai consolée tendrement. Une semaine plus tard, de la même manière :
— Tu sais ce que m’a raconté Valérie ? (Valérie est une de ses nouvelles copines)
— Oui ?
— Que vers l’âge de dix-huit ans, elle avait eu une période de frénésie de sexe. Elle couchait avec n’importe qui, n’importe où.
J’ai dit par dérision :
— Oh la là !
— Tu te rends compte ! a poursuivi ma femme. Et imagine-toi qu’elle a raconté ça à son mari, et que celui-ci semble adorer ces confidences ! Chaque fois qu’elle lui narre une de ses aventures passées, ils passent une nuit de folie tant il est excité. Tu comprends ça ? a-t-elle rajouté…
— Je pense que ça doit être troublant quelque part.
— Alors, si j’avais eu des tas d’amants avant toi, tu aurais aimé ce genre de confidences ?
— Qui sait ? ai-je répondu.
J’ai constaté à son visage que les choses semblaient la dépasser. Elle a blotti sa tête contre mon épaule et a soupiré en ajoutant à mon oreille, dans un murmure :
— Je me sens perdue.
Plus tard encore, elle est revenue sur le sujet. Valérie, encore elle, lui avait dit trouver bête de ne connaître qu’un seul homme. J’ai dit :
— Tu sembles le regretter maintenant, tu as envie d’en connaître d’autres ?
— Tu es fou, me répondit-elle.
Mais je voyais bien qu’elle n’était pas sincère là.
— Je devine à ton regard que tu ne t’ouvres pas toute à moi. J’ai l’idée que, maintenant, tu regrettes de m’être arrivée vierge.
— C’est vrai, je me dis que si cela était à refaire, j’aurais peut-être fait comme toutes les autres.
— Coucher à droite et à gauche ?
— Peut-être. Je me dis que ma stupide morale m’a fait passer à côté de plein de bonnes choses.
— Du sexe ?
— Du sexe des hommes, puisque cela ne t’aurait pas empêché de m’aimer ! Mais on ne peut pas revenir en arrière, hélas.
— Mais il n’y a qu’à prendre les choses à rebours.
— Que veux-tu dire par là ?
— Que ce que tu n’as pas fait avant tu le fais après.
— Tu veux dire que je prenne des amants maintenant, que je te trompe ?
— Ce ne serait pas me tromper mais une manière de rattraper le temps perdu. Vivre pleinement ce que tu aurais dû connaître avant notre mariage.
— Mais ce serait te tromper, et tu serais sûrement jaloux !
— Non, si nous considérons ça comme une parenthèse, une manière pour toi d’appréhender l’amour dans toute sa diversité, de ne plus avoir de regrets.
— Et si j’y prenais goût, si je tombais amoureuse, si je ne te revenais pas ?
— C’est que ton amour pour moi n’aurait été qu’une illusion !
Elle a semblé réfléchir longuement. J’ai insisté :
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— J’avoue que l’idée est séduisante et audacieuse. Ne seras-tu pas jaloux ?
— Non, je ne le pense pas, car je t’aime et te veux avant tout heureuse.
— Ça demande réflexion, tu sais, et en attendant je vais préparer le repas, me dit-elle, me laissant seul, troublé tout de même par ma folle proposition.
Quand nous sommes passés à table, un nouveau sourire flottait sur ses lèvres :
— Je veux bien me ranger à ton idée, me dit-elle. Elle n’est pas dénuée de bon sens car ne dit–on pas qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre ?
— En effet, ma chérie.
Elle avait tendu sa main par-dessus la table. Je l’ai étreinte en un geste significatif de tendresse et confiance.
— Et combien de temps durerait cette parenthèse ?
— Je propose de ne pas lui fixer de limites, car seul ton sentiment devra déterminer le retour à la normale.
— Autre chose, ai-je ajouté, peut-être qu’il serait bien que tu te trouves une occupation, un emploi, un travail qui t’ouvrirait davantage au monde.
— Oui, d’ailleurs ça fait un bon moment que j’y songe, me répondit-elle.
Puis les choses, comme par magie, se sont précipitées. D’abord elle a rencontré James, un ancien collègue d’université. Il était de retour du Canada où il avait exercé une activité d’agent immobilier. Comme elle lui avait parlé de sa recherche d’emploi, il lui avait proposé une association, l’ouverture à deux d’une agence immobilière.
— Ce serait une bonne manière d’utiliser tes compétences en droit, l’avais-je encouragée lorsqu’elle m’en avait parlé, et je suis prêt à participer au financement pour vous faciliter les choses.
J’ai fait la connaissance de James, un grand brun à l’allure fort sympathique. Nous nous sommes vite entendus, et grâce à mes relations nous avons très vite trouvé un local dans le 5ème arrondissement de Paris.
Une grande complicité s’était vite installée entre ma femme et lui, et aux regards ardents qu’il posait sur elle j’ai vite imaginé ses intentions.
Les premiers temps cependant ont été difficiles. Il leur fallait prospecter, trouver des clients.
Partie de bonne heure le matin, mon épouse me revenait éreintée le soir. Toutes les concierges du quartier avaient été visitées et déjà ils avaient eu quelques appartements à louer.
Nous nous retrouvions toujours avec bonheur. Je m’interrogeais, bien sûr, sur l’état de leur relation, pourtant je ne posais pas la moindre question sur le déroulement de ses journées. Très vite, dans ce quartier universitaire, les affaires sont devenues florissantes.
Un jour, sur le coup de midi environ, le téléphone a sonné à mon bureau. C’était mon aimée. J’ai compris tout de suite au ton de sa voix.
— Chéri…
Sa phrase est restée un moment en suspens. J’ai crié avec enthousiasme :
— Ça y est, mon amour ?
— Oui !
— Oh, c’est merveilleux. Tu as aimé ?
— Oui, c’était formidable !
Puis elle a poursuivi dans un souffle :
— Je t’aime, chéri, tu sais ?
— Moi aussi, mon amour, et je suis tellement content pour toi ! Comment ça s’est passé ?
— Figure-toi que nous avons eu un client qui nous a confié la gestion d’un de ses immeubles. Quand il est parti, nous étions si contents que nous nous sommes jetés l’un contre l’autre pour nous congratuler. Puis les choses se sont enchaînées, il m’a embrassée, caressée, et la fièvre nous a pris. Tu ne m’en veux pas un peu ?
— Mais non, tu sais bien ! Je suis impatient de te voir, pour que tu me racontes ça dans le détail.
— Oh oui ! Je ne te cacherai rien. Nous sommes tellement heureux, pour cette affaire et pour ce que tu sais, qu’il a décidé de m’inviter au restaurant.
Quand elle a raccroché, un bonheur immense m’a submergé. Je l’ai imaginée pleine de James, et mon cœur s’est trouvé empli d’une immense joie. Elle avait sûrement éprouvé tant de plaisir. Et je l’aimais tant ! J’étais soudain impatient de la retrouver, de la voir, de la sentir.
Les heures m’ont paru très longues, cet après-midi-là ! D’autant plus qu’elle est arrivée plus tard qu’à l’accoutumée.
Quand elle est entrée, je me suis vite précipité pour la prendre dans mes bras, j’étais si heureux de la retrouver. Je l’ai serrée très fort dans mes bras et j’ai voulu prendre sa bouche. Elle a effectué un mouvement de retrait. Ça m’a fait très mal. J’ai dit :
— Tu ne veux plus de mes baisers maintenant ?
— Ce n’est pas ça…
Son visage s’était empourpré. Elle hésitait à poursuivre sa phrase. Son regard me fuyait.
— C’est qu’il m’a raccompagnée, et qu’au moment de partir il a voulu que je lui fasse…
J’avais compris. J’ai dit :
— Une pipe ? Et il a joui dans ta bouche ?
Elle a acquiescé de la tête.
— Et tu penses que c’est ce qui va m’empêcher de t’embrasser ?
J’ai forcé sa bouche. Nos langues se sont mêlées. J’y ai retrouvé ce subtil nectar qui m’embrasait, cette fraîcheur, cette douceur qui m’affolaient. Mais il s’y mêlait cette fois un léger goût acre et suave. Une saveur nouvelle et subtile. Sans doute le sperme encore bouillant de son amant !
J’ai apprécié, j’ai raffolé de ce parfum nouveau dans sa bouche. Et j’en ai redemandé. Nous avions repris un instant notre souffle et j’avais à nouveau été chercher d’entre ses lèvres ce miel nouveau !
Puis j’ai été impatient de savoir !
— Alors, raconte, ma chérie.
Nous nous sommes installés au salon, elle s’est lovée contre moi. Je l’ai regardée dans les yeux avec amour pour lui indiquer à quel point elle pouvait s’ouvrir à moi. Elle a dû le ressentir car, de suite après, elle s’est confiée sans restriction.
— Je t’avais déjà parlé de ce client qui devait nous confier la gestion d’un de ses immeubles. Ce matin nous avons conclu l’affaire, et tu devines comme nous étions ravis, James et moi.
Aussi, dès qu’il est parti, spontanément, nous nous sommes jetés dans les bras l’un de l’autre.
Ce n’était pas la première fois qu’il avait tenté ce genre de geste, mais jusque-là, malgré mon envie d’y céder, je l’avais à chaque fois repoussé. Mais soudain j’ai eu une très forte envie de lui. J’ai tout oublié, toi, ma morale, ma pudeur. Je m’abandonnais à sa bouche, ses caresses, bien plus, je les sollicitais, je les devançais.
En un rien de temps je me suis retrouvée nue. Et il m’a prise debout, courbée sur le bureau, avec frénésie. C’était merveilleux !
— Oh, mon amour comme je suis content pour toi !
— Tu ne m’en veux pas ?
— Pourquoi t’en voudrais-je ? N’est-ce pas moi qui te l’ai proposé ? Vous avez pris des précautions, j’espère ?
— Oui, bien sûr !
J’étais rassuré. J’étais si ravi aussi de la savoir heureuse. J’ai poursuivi :
— Et après ?
— Après, pour fêter l’événement, il m’a invitée au restaurant. Il s’est montré tendre et amoureux. Si empressé que, dès le retour au bureau, il m’a prise à nouveau sur la moquette. Oh, mon amour, comme c’était bon de s’offrir à un autre homme ! Je te remercie de m’avoir permis de connaître ce bonheur. Je t’aime tant !
Elle m’a donné à nouveau à goûter ses lèvres parfumées. Elle a continué sa narration.
— Plus tard dans l’après-midi, nous avons encore fait l’amour.
— Dis-donc, il a une drôle de santé, dis-je, dans le fond un peu jaloux !
Je ne sais si c’était ses confidences ou une envie naturelle d’elle de ma part, mais je me sentais très excité. J’avais à mon tour envie d’elle. Je l’ai transportée dans notre chambre et, précautionneusement, je l’ai dépouillée de ses vêtements. J’ai regardé avec convoitise son minou. Pour la première fois aujourd’hui, un autre que moi s’y était coulé. D’avoir été si sollicité ce jour-là, il me semblait gonflé et distendu. J’ai glissé ma langue entre les chairs meurtries. Je l’ai léchée longuement puis m’y suis fondu de toute la longueur de mon sexe. Que je l’aimais ma petite femme perverse !
Ainsi a débuté son apprentissage de la vie de femme. Je la voyais avec fierté se rendre tous les matins à son travail. Je savais qu’elle y joignait l’utile à l’agréable. Je l’aimais et je sentais qu’elle devenait une femme dans toute sa plénitude.
J’étais gagnant au change, d’ailleurs. Notre façon même de faire l’amour avait évolué. Elle amenait sa nouvelle expérience de maîtresse. James nous amenait quelque chose.
Ainsi, un soir que je lui faisais l’amour, elle avait, à ma grande surprise, glissé d’une main experte mon sexe vers son petit trou. Ce qu’elle m’avait jusque-là toujours refusé ! J’en avais été ravi !
Maintenant, elle caressait mes fesses, et j’y puisais un plaisir nouveau ! Chaque jour apportait son lot de surprises et j’adorais ça.
Près de deux mois maintenant s’étaient passés depuis l’envol de mon épouse.
Elle semblait se complaire dans son double rôle de femme d’un homme et maîtresse d’un autre. Nous y trouvions chacun notre compte. Nous nous aimions de plus en plus.
Ce soir donc, de retour du bureau, je remarquais tout de suite qu’elle était préoccupée. J’avais été accueilli avec la même joie, mais cependant je lui trouvais un air de je-ne-sais-quoi. J’ai dit :
— Y a-t-il quelque chose qui ne va pas ?
— Je ne sais pas si je dois t’en parler…
— Vas-y, tu en meurs d’envie !
Il y avait aux coins de ses lèvres un petit sourire coquin.
— J’ai fait la connaissance d’un homme qui me plaît beaucoup. Il m’a invitée à dîner ce soir. Ça t’embêterait si je te laissais seul ce soir ?
— Pas du tout, mon amour. Mais si je comprends bien, tu comptes faire cocu ton cher James ?
— Eh ! me répondit-elle, tu sais comment sont les femmes ?
Pourvue de mon accord, elle se fit aussitôt toute belle et sexy. Pour la première fois, j’allais passer une soirée tout seul. J’ai ressenti comme un pincement au cœur. Des doutes commençaient à poindre en moi.
N’était-ce pas un challenge fou pour notre couple que ce jeu dangereux que je lui avais proposé là ?
Mais non ! J’aimais trop ma femme et j’estimais que ces expériences étaient absolument nécessaires à sa construction. C’est la multitude des amants qui forme une femme. Il fallait poursuivre le jeu.
D’ailleurs, ma récompense, c’avait été au petit matin de la retrouver fourbue mais rayonnante de plaisir et d’amour.
Il en a été ainsi durant un peu plus de deux ans. Je n’ai bientôt plus compté ses aventures.
Il y a donc eu James, l’initiateur, puis cet homme qu’elle rencontrait régulièrement une fois par semaine, puis d’autres et d’autres encore !
Louis, qui aimait les pratiques sado-maso, Sam le jaloux, qui ne supportait pas ces incartades, Alex, adepte des clubs échangistes, qui lui a fait aimer les étreintes brèves et multiples. Et puis surtout Serge, dont elle était tombée amoureuse éperdument, ce qui un moment m’avait fait craindre le pire !
C’était un beau salaud, elle a beaucoup pleuré avec lui et s’est toujours penchée vers moi pour la consoler. Je l’ai énormément aimée tout ce temps-là. Notre passion était demeurée intacte, mis à part le temps de sa folie pour Serge.
Elle a connu d’autres hommes encore et j’aimais la retrouver toute frémissante d’entre les bras d’un autre, maintenant si sensuelle et si experte.
Un dimanche matin, elle m’a réveillé de bonne heure. Elle avait une surprise à me faire !
— Figure-toi que j’ai invité tous nos amis d’autrefois.
— Quoi ? ai-je répondu.
— Oui, Manuela et son mari, et tous les invités présents le fameux soir, tu sais.
J’étais très étonné, comme vous pouvez l’imaginer.
— Après ce qui s’est passé ? ai-je insisté.
— Oui, j’ai ma petite idée.
Nous avons fait nos courses de bonne heure, au marché, ce matin-là. Mon épouse voulait honorer ses invités. Elle me précisa que, lorsqu’elle les avait contactés cette semaine, ils avaient tous été très stupéfaits. Nous nous sommes affairés jusque tard dans la cuisine. Ma femme, excellente cuisinière, semblait s’être surpassée.
J’ai revu avec un grand plaisir nos chers amis ! Cette parenthèse dans notre vie nous avait séparés, mais nous nous retrouvions avec joie.
Comme à l’époque, nous avons bu et bien ri cet après-midi. Les femmes étaient belles et pétillantes. Les blagues ont fusé, les sourires éclairaient tous les visages. Plus tard nous nous sommes régalés à table. Ma chérie fut fort complimentée. Comme il y a un peu plus de deux ans, après le repas nous sommes passés au salon. Je m’apprêtais à passer le café quand ma femme a pris la parole.
— Mes amis, il y a deux ans, vous aviez tous raconté une de vos aventures sexuelles, vous vous souvenez ?
Stupeur sur tous les visages, et le mien compris.
— Lorsque vous m’avez interrogée, je me suis montrée désagréable et présomptueuse. J’ai même été blessante.
Bon sang, où voulait-elle en venir, commençais-je à me demander ?
— Aujourd’hui, je vous ai invités pour m’en excuser. Et puis, moi aussi j’ai un pan de ma vie à vous exposer, comme vous l’aviez fait à l’époque. Moi aussi, à mon tour, j’ai beaucoup traîné, et ne suis plus tout à fait aussi propre.
Et c’est là qu’elle a tout déballé. Sans la moindre restriction, en toute impudeur. Vous pouvez imaginer la stupeur ambiante.
— C’est incroyable, a dit Frida !
— Dis donc ! a ajouté Manuela.
Les hommes surtout ont été choqués.
— Comment as-tu pu avoir une idée pareille ? a dit José. Ça ne te faisait pas mal de savoir qu’elle allait se faire baiser ?
— Tu n’étais pas jaloux ? a dit Fred.
— Non, parce que je l’aime plus que tout, ai-je répondu.
Mon épouse s’est collée contre moi. Elle s’est lovée contre moi et a claqué un fort baiser sur ma joue. Tous nos amis ont applaudi.
— Attendez, attendez ! a ajouté ma bien-aimée, ce n’est pas fini ! La semaine dernière, j’ai cédé mes parts dans l’agence immobilière.
Elle a entrouvert son sac et m’a tendu un chèque :
— Voilà mon chéri, c’est pour toi !
J’y ai jeté un rapide regard.
— Oh, c’est pas possible, mon amour !
Je vous prie de croire que le montant était conséquent.
— Que de zéros ! ai-je dit.
— L’acceptes-tu comme ma dot, mon amour, car je désire à nouveau redevenir ta femme fidèle.
Une femme fidèle et si expérimentée, désormais ! Les larmes ont embué mes yeux. Les choses étaient rentrées dans l’ordre. Avec désormais une femme pleine et entière !
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