Lille, fin juillet, pas loin de la grand-place où trône la Déesse, inamovible et royale, il fait chaud en cette fin de journée. Je suis attablée face à une délicieuse glace avec Julien, qui me cherche visiblement des noises depuis cinq minutes. Je m’insurge :
— Comment ça ?
— Oui, parfaitement ! Quand on étale sa vie sur son blog, il ne faut pas s’étonner des coups de bâton en retour !
— Je m’étale, moi ?
— Tu ne t’étales pas, tu te répands, tu dégoulines !
Là, il exagère ! Je me lève d’un bond, mon chapeau est à deux doigts de s’envoler, je manque de renverser cette délicieuse glace qu’il rattrape, in extremis, tout comme son coca. Je serre les dents et les poings, j’ai une envie folle de lui flanquer ma main sur la figure pour lui apprendre à vivre ! Mes yeux doivent être aussi rougeoyants que ma chevelure rousse.
Je ne comprends pas bien comment nous en sommes arrivés là, alors que tout allait si bien entre nous depuis le début de cette semaine où nous nous sommes rencontrés.
Je me souviens parfaitement des circonstances de ce lundi, au matin. Je suis arrivée ensommeillée chez Isa et Olivier, après environ une heure de train, en provenance de Bruxelles où je venais de négocier un contrat. Ils sont tous les deux dans les arts graphiques, comme moi ; pour être plus précis, ils ont un studio de création qui ne marche pas trop mal.
Moi, je suis illustratrice, j’ai même réussi à publier quelques planches de BD ci et là. Je ne suis pas encore connue partout mais je commence à me faire un petit nom dans le métier. Au début, il y a presque quatre ans, je m’inquiétais sérieusement de mon avenir, mon quotidien alimentaire se résumait aux pâtes et aux raviolis…
Je sonnais à toutes les portes pour essayer de placer mes dessins, j’ai galéré des nuits entières à pondre des illustrations pour le lendemain, première heure, le tout payé chichement. Quatre années de vache maigre après les cinq ans de Beaux-Arts, soit neuf ans de vache enragée. Le pire est que j’aurais dû être ultra mince avec tout ce que je n’ai pas mangé… Hélas, ce fut l’inverse !
C’est de cette époque difficile que je garde le goût des vêtements éclectiques : je n’avais pas un sou pour m’en acheter d’autres et ça me donnait un certain genre. Résultat, je suis toujours en longues jupes à carreaux (personne n’en voulait dans les magasins) et avec des hauts les plus bigarrés possibles mais toujours un certain décolleté. J’avoue être fière de mes seins ! Un point positif pour moi.
Et pour achever le tableau, souvent quelque chose sur la tête, car mes cheveux étaient moches et cassants quand je me nourrissais pas ou mal…
Donc, disais-je, ce lundi, je venais de sonner chez Isa et Olivier, histoire de leur dire un petit bonjour et aussi pour oublier mon ratage lamentable avec Joan, mon trop bel Hollandais. Il régnait chez eux une atmosphère studieuse, un gros contrat à honorer. Dans un coin, près d’Isa qui répondait à ses questions, un type étrange, tout blanc, écrivait des lignes de code comme d’autres jouent du piano. De temps à autre, Olivier venait voir. J’étais intriguée :
— Il se passe quoi, là ?
— Julien est venu nous donner un coup de main, le programme ne fonctionne pas correctement donc faut le remettre d’aplomb. Julien, je le connais depuis bientôt dix ans, et c’est souvent ainsi, dans ce genre de circonstance, qu’on bosse ensemble.
— Ah ? C’est curieux, il n’a pas trop la tête de l’emploi…
— Je sais, il fait « professeur Nimbus », perdu dans la cinquième galaxie mais pour le multimédia, c’est un dieu du clavier. Et en plus, il sait dessiner !
Isa vint nous rejoindre avec un grand sourire. Isa, je la connais depuis les Beaux-Arts. Nous sommes forts dissemblables : elle, grande, mince, blonde, une gravure de mode… J’étais heureuse de la revoir et nous avions parlé de tout et de rien, j’étais un peu gênée de mal tomber, elle me rassura :
— T’inquiète ! C’est presque fini ! Et puis, si j’ai bon souvenir, c’est nous qui t’avons proposé de venir, non ?
— Tu es sûre que je ne vous dérange pas trop ?
Soudainement, une forte voix résonna dans notre dos :
— Fini !
D’un même ensemble, Isa et Olivier se levèrent et se pressèrent auprès de ce curieux type aux cheveux blancs. Ils discutèrent au moins cinq minutes. Puis le type étrange se leva, comme pour clore la conversation, et vint directement à moi :
— Lilou, je présume ?
— Euh oui…
Volant à ma rescousse, Isa intervint alors :
— Tu la connais ?
— Oui et non… répondit-il en me dévisageant comme pour prendre une photo.
— Comment ça ? dis-je, intriguée.
— Par un certain blog que je consulte presque tous les jours. J’aime votre style de dessin et j’ai chez moi tout ce que vous avez publié. Enfin, je le crois.
J’étais rose de plaisir, il souriait. C’est comme ça que nous nous sommes rencontrés. J’ai prévu de rester lundi et mardi sur place, chez Isa qui avait une chambre d’ami au-dessus du studio. Je savais bien que ce n’était que pour deux jours mais je n’avais pas envie de rentrer tout de suite chez moi, seule. Julien, qui rôdait toujours dans les parages, se proposa alors de m’héberger si je le désirais. Un peu inquiète, je m’étais confiée à Isa :
— Tu crois que je peux ?
— Oh, alors là, tu n’as rien à craindre de lui !
— Pourquoi ? Il est homo ?
Elle rigola franchement :
— Non, non ! Il est très correct.
— Et sa femme ? Elle ne dira rien ?
— Ah hem… Evite ce sujet avec lui, s’il te plaît… Je te mets au courant mais fais comme si je ne t’avais rien dit, il déteste qu’on en parle : elle est décédée d’une longue et pénible maladie en fin d’année dernière.
— Oh ! C’est triste !
— Oui, c’est triste, d’autant qu’il avait divorcé, il y a à peine deux ans, pour l’épouser, ils ne sont restés ensemble qu’un an… pas plus…
Ça m’avait fait tout drôle.
J’avais accepté sa proposition et depuis mercredi, j’étais chez lui. Un peu inquiète, je m’étais attendu à mettre les pieds dans une maison-musée ; il n’en était rien. Devant mon air étonné, il avait simplement dit :
— La vie doit continuer.
Puis il avait déchargé mes bagages de sa voiture tandis que je ne savais plus quoi répondre. Tout s’était très bien passé entre nous, il m’avait fait visiter les environs, il m’avait aidée dans mes dessins par divers conseils avisés, nous avions presque les mêmes goûts, la même façon de voir les choses, nous étions sur la même longueur d’onde jusqu’à ce soir, ce samedi soir.
Je suis debout face à lui, tendue. Il continue, impavide :
— Tu m’excuseras mais tu t’es rendue un peu ridicule avec ton histoire avec ton Joan !
— Ridicule ?
— Oui, tu as été trop vite ! Tu t’es fait toute une romance entre un beau dessinateur et une jolie illustratrice qui vivraient heureux et comblés dans une mignonne maison à la campagne et qui auraient des tas de futurs petits graphistes !
Merci au passage pour « jolie illustratrice », mais je suis de plus en plus furieuse :
— Je t’interdis de me dire ça !
— Eh bien, moi pas ! Je ne te comprends pas ! Joan a une sacrée réputation dans le milieu, rien qu’à voir les filles qu’il dessine, on peut se faire une petite idée, surtout si elles sont blondinettes et filiformes ! Ce qui… est loin d’être ton cas !
— Salaud !
— Non, réaliste. Je pense même que notre Joan s’est dit : « Tiens, et si je me faisais une petite rousse rondouillette et romantique ? » Ça a dû le changer de ses conquêtes sophistiquées de ces dernières années, que de sortir avec une jolie paysanne…
— Mais t’es une ordure, toi !
Il se contente de croiser les bras.
— Entre ton Joan qui t’a « gentiment » larguée par SMS et moi qui ne fais que te dire la stricte vérité… Ah, il y avait de quoi se faire tout un cinéma entre lui et toi ! Un beau couple en effet : le rat des villes et la ratounette des campagnes. Résultat, tu as maintenant la réputation d’une arriviste et on se demande même, si j’en crois les commentaires vengeurs déposés par diverses âmes charitables sur ton blog et celui de ton ex-chéri, quel est le prochain dessinateur sur lequel tu vas sauter afin de satisfaire ton plan de carrière !
— Mais… mais c’est complètement faux !
Je suis effondrée, le pire est que tout ce qu’il me dit est malheureusement vrai – enfin, les commentaires sur mon compte. Abattue, je me rassois, le nez piquant vers le sol, mes yeux rougis cachés par le rebord de mon chapeau. Il pousse vers moi la glace qui fond doucement dans sa coupelle :
— Oui, je sais que c’est faux.
— Peuh ! Tu tentes de te racheter ?
— Pas du tout, je t’achète, toi, à coups de glace : je sais que tu aimes !
Il m’arrache un mince sourire :
— Oui, j’aime… un peu trop d’ailleurs pour ma ligne !
— Elle est très bien, ta ligne, tu as tout ce qu’il faut là où il faut !
— Tu parles, je suis grosse, oui !!
— Tu es appétissante, nuance ! Tu es mignonne tout plein avec ton look décalé de rousse, un gros bébé éternellement en jupe longue…
— Nan, je sais bien que je suis une grosse vache qui se cache derrière une certaine originalité, avec mes chapeaux, mes jupes, mes fripes larges, mix des années baba-cool et de la France paysanne des siècles d’avant ! Ne t’esquinte pas, je le sais fort bien, j’en suis consciente !
— Mais non, t’exagères !
— Ah oui ? Alors dis-moi qui voudrait de moi ? D’une grosse mémère au look baba-cool version 2000, d’une fille qui a vingt kilos en trop, un visage rond, avec trop de courbes, ronde de partout ? Qui ? Hein, qui ?
— Moi, par exemple !
Il est rare qu’on me coupe ainsi le sifflet mais Julien a particulièrement réussi son effet ! Estomaquée, j’arrive à bredouiller :
— Tu… tu rigoles, n’est-ce pas ?
— Pas du tout, Lilou…
Il se lève, pose un billet sur la table et finit d’un trait son coca. Il agrippe mon bras et m’entraîne avec lui dans une rue sinueuse, laissant derrière nous une glace qui n’en finit pas de fondre. Pas moyen de lui résister. Nous marchons ainsi durant trois minutes ou quatre, en silence, le temps d’arriver dans un petit parc ombragé et désert. Un banc nous attend, nous nous y reposons. Il soupire :
— J’aurais préféré d’autres circonstances mais voilà : je suis jaloux !
— Pardon ?
— Eh bien oui, j’ai été jaloux de ton Joan et je le suis toujours !
— Tu es jaloux de Joan ? dis-je, incrédule.
— J’avoue que ça m’a fait un peu de peine quand tu as relaté ta rupture sur ton blog, d’autant que j’étais content pour toi que ça aille bien entre toi et lui. Mais depuis lundi que je te connais vraiment, je suis jaloux.
— Tu es jaloux ?
— Tu te répètes, Lilou…
Je secoue la tête. S’il y en a bien une à laquelle je ne m’attendais pas, c’est bien celle-là. Je pose mon chapeau sur le banc.
— Je… je ne m’attendais pas à ça, Julien…
— Je m’en doute. Moi non plus.
— Je… euh… Comment dire ?
— Je sais : tu m’aimes bien mais c’est niet.
— Non !
Je suis la première surprise de ce « non » si catégorique. Julien aussi. Il récupère vite car je vois déjà briller quelque chose dans ses yeux.
— Non ?
— Oui, je t’aime beaucoup, oui, tu comptes pour moi, oui, je me sens bien avec toi mais… c’est trop récent…
— Hum hum, je comprends…
— Merci.
Et nous restons assis, silencieux, sans oser nous regarder.
Julien prend une grande respiration tout en agrippant le rebord du banc, il secoue un peu les jambes, un peu comme un athlète qui s’apprête à se lancer dans la compétition.
— Lilou !
— Euh… oui ?
— Autant ne plus tourner autour du pot : tu me plais énormément, tu me rends dingue et j’ai envie que tu restes pour toujours à la maison, avec moi, nous deux, ensemble.
— Ah… euh…
— Oui, je me sens si bien avec toi, j’ai l’impression que nous nous sommes toujours connus, que tu es là auprès de moi depuis longtemps, même si je sais pertinemment que nous ne nous sommes rencontrés que lundi. Bon, c’est vrai que j’en savais déjà un peu sur toi avant. Si j’avais un bouquet de fleurs et si je n’avais pas peur de te paraître ridicule, je me jetterais bien à tes pieds pour te demander ta main !
Il sourit, tout en gardant mes mains dans les siennes. Je ne sais plus trop quoi faire :
— T’exagères, Julien ! Nous ne sommes pas dans une BD ! Mais…
— Mais ?
— Je suis flattée…
— Ah ?
— Oui, j’avoue : très flattée ; je ne sais pas quoi te dire…
— Alors dis « Oui » !
Je pouffe de rire, ses mains chaudes me réconfortent.
— Décidément, t’exagères beaucoup !
En ce moment-là, je ne pouvais pas savoir à quel point j’avais raison ! Il me fait un large sourire, la pression de ses doigts s’accentue sur mes mains puis il m’embrasse. Un baiser tout doux, précis, volontaire, décidé. Je flotte, je ne sais pas vraiment quelle suite donner. Tout m’échappe et je n’aime pas ça du tout. Néanmoins, j’entrouvre mes lèvres…
Alors, Julien s’enhardit, beaucoup plus que je ne l’aurais cru. Son baiser devient plus exigeant, plus confirmé, plus expert, je dirais. Sa langue chaude me caresse, m’explore voluptueusement. Les hommes mûrs ont assurément des points positifs ! Je me laisse aller, langoureusement, c’est si bon ! Une de ses mains quitte les miennes et vient se poser sur ma nuque qu’elle caresse, ses doigts jouent dans mes cheveux mi-longs, son pouce m’effleure le lobe de l’oreille. Son autre main caresse à présent ma cuisse à travers le fin tissu de ma jupe longue. Je pose mes doigts sur sa jambe, j’en tâte les volumes que je trouve fermes – le vélo, sans doute. Je me plais à penser qu’il doit avoir un de ces jolis petits culs bien moulés et à croquer ! Oh que j’aimerais aller vérifier ça illico presto ! Mais pas maintenant !
Je m’étonne de mes propres pensées et je me rends compte que, finalement, je m’en fiche ! Sa main glisse doucement de mon cou vers mon décolleté tout offert. Il s’approche encore plus de moi, ses lèvres se soudent aux miennes, nos langues se nouent. Ma main se glisse sous sa chemise, dans son dos, pour caresser sa peau toute douce. C’est bien la première fois que je vais si vite !
Je vois bien que lui aussi aimerait aller plus vite et plus loin, je sens bien qu’il se freine, nos bouches s’éloignent tandis que nos mains cherchent toujours le contact doux de nos peaux. Il me sourit, les yeux luisants :
— Je crains que ça ne soit pas l’endroit idéal !
— Ah… euh… oui…
— Ça sera comme tu le veux mais j’aimerais ne pas attendre trop longtemps… Je veux dire par là, ta décision, si c’est oui ou si c’est non, pour qu’on fasse un bout de chemin ensemble.
— Houlà, houlà, tu vas vite, toi ! dis-je, un peu surprise par cette rapidité.
— Il y a de la place à la maison, on peut t’aménager sans problème un coin atelier, un peu comme tu l’as déjà fait en semant tes crayons dans toute la maison.
— C’est un reproche ?
C’est une constatation !
Et il m’embrasse voluptueusement. C’est loin d’être désagréable, j’adore ! En même temps, mon esprit pratique se dit que, tout compte fait, sa proposition est tentante : je vis dans un sombre petit deux pièces pas très pratique et Julien me plaît bien.
Pragmatiquement, je m’avoue à moi-même qu’il n’est pas Joan, ce n’est pas le même genre ; que, oui, je l’aime bien, beaucoup, qu’il me plaît, que ça me dérangerait pas de faire un petit tour sous ses draps mais ce n’est pas l’amour fou comme celui que j’ai vécu, il y a peu.
Cependant, ça me tente. Je ne sais pas comment ça finira, mais j’ai envie qu’on s’occupe de moi, d’être tranquille et c’est ce que Julien peut justement m’offrir. N’empêche que c’est un peu rapide quand même !
— Ne t’emballe pas… Je peux revenir souvent par ici, le week-end, aux périodes de vacances.
— Oui, c’est ça ! Tu habites à au moins quatre cents kilomètres d’ici ! lance-t-il, narquois.
— Trois cent cinquante !
— Et tu viendrais comment ? En patins à roulettes ? Tu n’as pas de voiture !
— Tu peux venir, toi !
— C’est vrai que je peux venir et tu m’héberges où ? Dans la baignoire ? Je sais que ton lit est une simple banquette défoncée, tu l’as raconté sur ton blog.
— Fichu blog !
Je me dis que, décidément, j’en ai raconté trop ! Je reprends :
— Ecoute, tu es bien gentil, je dirais même que… euh… tu es un amour mais, tu comprends, c’est un peu prématuré, non ?
— Je retiens surtout que je suis un amour !
— N’en profite pas, hein ! C’est trop rapide et puis, si je quitte ce que j’ai, je fais quoi si tu me fiches à la porte ?
— Pourquoi veux-tu que je t’éjecte ?
— On ne sait jamais ! Et si ça ne colle pas entre nous ?
— Il me semble bien que, là, tout de suite, ça colle, comme tu dis.
— Oui, bon ! J’avoue, j’ai une certaine… attirance pour toi, c’est vrai. Bon…
Je sens qu’il ne va pas lâcher prise tout de suite. Il est pensif quelques secondes, deux ou trois, puis il reprend, la bouche en cœur :
— Ecoute, je te propose de venir habiter chez moi et si ça ne va pas, tu reprends ta liberté !
— Ah oui ? Et je fais quoi pour mon…
— Taratata, tu me laisses finir, s’il te plaît : tu gardes ton appart, je paye le loyer.
— Pas question !
— Je paye une partie du loyer ?
— Pas question non plus !
Il m’attire à lui et me fait taire d’un baiser exigeant. Pas mal du tout ! Je sens que je vais conserver cette petite phrase, « Pas question », si ça donne ce genre de résultat à chaque fois !
Nos lèvres se séparent :
— Alors, oui ou non ?
— Pas question ! lui dis-je, un sourire en coin.
Il comprend vite car il m’embrasse à nouveau aussi sec ! Pas mal, pas mal du tout ! Mes mains sur son torse en profitent un maximum à caresser ses formes musclées ; visiblement, il s’entretient, mon Julien, ce qui n’est pas pour me déplaire ! Il n’est pas en reste en mettant un certain désordre du côté de mon soutien-gorge…
Moins de quarante minutes plus tard, nous sommes chez lui, vautrés dans son grand canapé d’angle : il m’a convaincue de faire un petit essai de quinze jours. Je suis en train de signer le bail à ma façon, mes lèvres sur son corps presque nu, il se laisse faire, sans rechigner, tout heureux, comme un gros matou ! Nos corps s’enroulent, nos mains se serrent l’une dans l’autre, j’ai envie de lui ! Il est contre moi, sa peau sur la mienne, collé, fusionné à ma chair, de toute sa chaleur, de sa douceur, de nos désirs. Je m’approche dangereusement de son caleçon tendu à mort par une tige bien dure, à ce que je devine !
— Tu ne veux pas qu’on passe dans ma chambre ? Ça sera plus confortable, non ?
Je le repousse gentiment mais fermement :
— Désolée, je ne peux pas… Pas dans ta chambre…
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? Parce que c’est là que tu… euh… avec… ta femme et que… ça me gêne beaucoup !
Julien s’adosse au canapé, il se contente de sourire, paisible :
— Tu te trompes, ma Lilou… Anne n’a jamais vécu ici…
— Comment ça ?
— Quand elle est partie, j’avais mis en vente notre maison. Le couple qui la convoitait avait aussi une maison à vendre. Nous avons fait un échange : ils se sont rapprochés de la ville, moi, je m’en suis éloigné mais en ayant plus de terrain et de solitude, ce qui me convenait alors.
— Un échange de maisons ? Ça existe ça ?
— Oui, il faut le croire puisque c’est ce que j’ai fait… dit-il, facétieux.
— Alors, elle… Anne n’a jamais vécu ici ?
— Non, jamais.
— Ah !
Je me sens à la fois heureuse et stupide. Personne ne me l’avait dit et personne n’avait évoqué la chose, pas même Julien. Comment aurais-je pu le savoir ? Il s’approche de moi et d’un ton paisible où pointe une nuance ironique, il me demande :
— Plus de contre-indication ?
— Euh, je cherche…
— Parfait ! dit-il d’un ton trop assuré à mon goût.
La lueur qu’il a dans les yeux m’indique que les prochaines heures vont être épiques. Il se lève et, sans complexe, fait descendre son caleçon à ses pieds, pointant sous mon nez une belle pièce bien dressée, très tentante. Je donne un bref baiser sur son gland tout rubicond. Ça m’amuse, ça m’excite et ça m’émeut en même temps. Jamais je n’aurais osé faire ça auparavant !
En riant, j’échappe à sa tentative de capture et je grimpe quatre à quatre l’escalier. Il m’attrape au moment où je suis au bord du lit, nous roulons dedans. Oh oui, je sens que la nuit va être chaude, très chaude !
Et elle fut, en effet, très chaude ! Je n’aurais jamais imaginé me laisser aller comme je le fis, impudique, libertine et licencieuse, osant des gestes interdits, des mots défendus, des attitudes tabous… Je découvris réellement mon corps cette nuit-là, son potentiel inimaginable de jouissance, de plaisir ; cette joie de donner et de recevoir, de prendre avidement, possessivement, intégralement ; mon abandon total et consentant à son désir passionné et sincère.
Tout en moi et toute à lui… Tout…
Depuis, nous avons aménagé une pièce en studio, la baie vitrée donne sur le jardin et un panorama boisé. Je continue mon métier d’illustratrice et je produis même quelques BD, aidé par mon nouvel assistant rien qu’à moi. Notre collaboration fonctionne bien, c’est un maniaque des décors et autres machins techniques (sa formation initiale en archi) que je n’aime justement pas trop dessiner, et moi, je plaque ce que je sais faire sur ses fonds. Notre éditeur est content, idem pour la critique, notre compte en banque aussi, même si ce n’est pas encore le Pérou.
Il y a peu, la semaine dernière, nous avons eu en commande tout un cahier d’illustrations sur les bébés et comment on les fait… Déjà qu’avant, il ne fallait pas lui en promettre, à mon Juju, nos séances de travail commun finissaient et finissent souvent de façon très torride ; cette fois-là, c’est pire ! Mais ô combien émoustillant !
D’ailleurs, je le sens venir derrière moi et il ne faut pas demander ce qu’il en en tête car déjà, il est plaqué sur mon dos, ses mains sous mes seins, il m’embrasse dans le cou d’une façon très suggestive !
— Qu’est-ce que tu veux, toi ?
— Hum… devine !
Je lance une main derrière moi pour lui tâter son beau petit cul ferme que j’aime tant.
— Mais ? T’as rien ?
— Nan, rien du tout ! Sauf une furieuse envie de toi !!
— Mais c’est du viol prémédité, mon petit monsieur !
— On peut le dire ainsi…
Je pivote prestement sur mon siège : effectivement, il est tout nu et déjà au garde-à-vous. Je sens que je vais me laisser tenter encore une fois, comme toutes les autres fois. Ce type me rend dingue de sexe, accro, mais j’aime ça. C’est étrange : avant, je n’aurais pas osé imaginer que je puisse être si… euh… dévergondée avec un homme.
Un homme, mon homme, rien qu’à moi !
Et je vais le prouver sur-le-champ. Je lui attrape la tige raide et gonflée. Je constate avec amusement qu’elle s’amplifie encore plus entre mes doigts. J’hésite quant à sa destination finale : est-ce que je la garderai en bouche, ira-t-elle remplir ma grotte intime ou aller se perdre dans mon petit trou interdit ? Aucune idée, je m’en fiche, de toute façon, j’en profiterai ! Et lui aussi !
Pour l’instant, je me contente de le branler doucement, tout en soupesant ses bourses rondes de ce sperme qu’il me donnera d’ici quelques temps. Je laisse courir mes lèvres sur son torse, je sais que ça lui donne des tas de frissons et j’aime le savoir ainsi à ma merci.
Je remonte doucement vers son cou tandis que ses mains se baladent sur mon corps, cherchant à le dénuder. Déjà, il me dévoile une épaule…
Quelques instants plus tard, je suis nue, ses mains caressent mes rondeurs tandis que je possède ses galbes. Nous nous embrassons à pleine bouche, mes ongles griffent délicatement son dos, il est à moi et je prends tout ce qui est à moi. Son sexe est plaqué sur mon ventre, j’adore le sentir dur et chaud, moulé sur ma chair tendre.
Quel beau cul ! Je raffole de l’avoir sous mes doigts, ces fesses fermes, musclées et ce fameux coup de rein quand il entre en moi et qu’il plonge au plus profond pour me remplir et me posséder. Je sais qu’il ira en moi, j’aime qu’il me prenne, qu’il me donne tout et que je le vide de tout substance, jusqu’à la dernière goutte.
— Lilou chérie ?
— Oui, mon trésor ?
— J’ai… très… très… envie de toi !
— Ah bon ? Pas question !
— Si, si, si !
— Alors prouve-le moi !
Pour prouver, il sait le faire. Il a toujours des idées curieuses, étranges, saugrenues mais finalement très excitantes. Je songe au jour où il m’a torturée de sa langue dans l’oreille et qu’il m’a mise dans un état proche de la démence, tellement ça me faisait frissonner d’aise. Quand il est ensuite entré en moi, j’ai explosé de mille feux. Il m’a fallu un sacré temps pour récupérer !
D’un geste ample, il repousse la feuille de papier qui est sur ma table à dessin, une grande table d’architecte vaste et spacieuse. Il repousse de même le tabouret puis me plaque sur le ventre contre le bois, mes seins s’écrasent sur la surface tiède.
Pourquoi pas…
Je m’attends à être pénétrée sans aucune forme de procès mais la suite est différente puisqu’une langue agile s’introduit plus bas, entre mes lèvres intimes déjà mouillées. Elle me taquine quelques instants puis des doigts viennent me masturber posément mais efficacement : mon Julien connaît ce qui me fait décoller via d’autres cieux.
Je soupire d’aise sous cette caresse, le contact de la table à dessin n’est pas déplaisant, il y a un petit côté soumission dans ma posture, ce qui n’est, finalement, pas désagréable. D’un coup, je sens la pointe de sa langue remonter entre mes fesses, puis des doigts inquisiteurs écarter mon sillon. Mon clitoris est à présent fort stimulé, une douce chaleur m’envahit. Je tressaille quand je sens qu’il insiste à l’orée de ma rondelle sombre, je crois comprendre où il veut en venir…
Mon anus se dilate sous la caresse interdite de sa langue, j’ai toute une série de contractions et de relâchements involontaires depuis quelques instants. Mon clitoris est en feu, ma touffe est massée efficacement par un amant très expert en la matière. Quelque chose monte en moi, un tremblement singulier, une onde frissonnante. Mon petit trou est tout détrempé de sa salive, je sens qu’il est petit à petit ouvert, béant, offert. Je serre les dents, ça vient, je me contracte, je me relâche. Oui, ça vient, irrésistiblement, trop ! Simultanément, un index et un majeur s’emparent posément de ma grotte dégoulinante tandis qu’un pouce s’enfonce irrésistiblement dans mes sombres entrailles. Un déclic, un spasme, mon clitoris en fusion, cette sensation d’être prise pleinement, d’être offerte et comblée…
J’explose en mille cris, ondulant du bassin pour mieux sentir ces deux intrus en moi, rivés dans ma chair, dans mon intimité.
Je crie encore et encore, je chute dans un long plaisir inaccoutumé de soumission passive, d’une possession quelque peu perverse mais si stimulante. Vaincue mais comblée, je m’affale sur la planche de bois, mes seins étalés en masses molles. Sa bouche en feu brûle mon cou, des doigts chauds titillent un téton dur. Je sens sa peau sur la mienne, son ventre doux sur mes reins, sa toison tout contre moi, son souffle, son parfum, son odeur qui m’enveloppe.
Il s’active toujours en moi, je le sens en moi, rivé dans mes endroits intimes, ça me fait tout étrange et si troublant ! Mon anus masse ce doigt fiché en moi, qui m’explore, qui m’explose. De multiples contractions s’emparent à nouveau de moi, une nouvelle vague me submerge, mon clitoris en feu est toujours masturbé, il ne me lâche pas, il me soumet, il me possède, il va me faire jouir une seconde fois. Oh oui, une seconde fois !
C’est plus violent encore, ça me secoue de la tête aux pieds, ça me ravage, je tremble de tous mes membres, c’est infernal ! Des tas de cris rauques sortent de ma bouche, cris que je ne contrôle plus, je ne me contrôle plus, plus rien… C’est effrayant !
Mais c’est si bon !
Je sombre dans une douce torpeur, vautrée sur ma table à dessin, indifférente au monde qui m’entoure, je profite égoïstement et béatement de ma jouissance, tout simplement. La terre peut bien s’arrêter de tourner, je m’en fiche allègrement !
J’ai tout ce qu’il me faut, un métier qui est une passion et un passionné qui est mon homme rien qu’à moi !
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