En ce mercredi soir d’avril, je n’ai pas une pêche d’enfer. En rentrant dans mon appartement de joyeux célibataire, vers vingt heures, je me suis affalé dans un fauteuil, histoire de récupérer de mon infernale journée. C’est bien beau d’être gérant pour une enseigne européenne de garages et d’accessoires automobiles ! Ce n’est pas rose tous les jours !
Néanmoins, je suis fier de moi : j’aurais trente ans dans peu de temps et ma vie professionnelle est comblée. Par contre, ma vie privée est un hôtel des courants d’air. J’ai bien eu quelques aventures avec des vendeuses ou des clientes mais rien de vraiment concret. Je suis assez beau garçon, d’un type nordique. Vous savez, les grands machins, les blonds aux yeux bleus, mâchoire carrée, mais je crains de devenir un « vieux beau» d’ici peu !
Un rapide coup d’œil sur les programmes télé m’a démontré que je ne perds rien à ne pas trouver cette fichue télécommande. Je me demandais, en ouvrant mon frigo, ce que j’allais me faire à manger, quand la sonnette de la porte d’entrée retentit.
Intrigué, j’ouvre la porte. Face à moi, se tient une jeune femme assez mignonne avec un gros livre dans les mains. À peine suis-je à l’écoute qu’elle entreprend de me vendre une encyclopédie, modèle dernier cri en vingt volumes, plus le cd-rom et une sorte d’agenda calculatrice dictionnaire tout en un. D’habitude, j’envoie joyeusement balader ce genre de démarcheur mais aujourd’hui, je suis amorphe et comme j’ai un commencement de vague cafard, je l’écoute me débiter son speech.
Il faut reconnaître qu’elle croit en son produit et qu’elle y met de la conviction. Hochant de la tête de temps à autre pour faire illusion, j’en profite pour la détailler de cap en pied. Si la demoiselle est jolie, ses vêtements sont élimés, bien qu’ils puissent faire illusion. Elle prend visiblement soin d’elle mais n’a pas les moyens pour renouveler sa garde-robe. Ses chaussures à talon mi-haut sont cirées mais bien vieilles. Sa jupe a beaucoup vécue et devrait entamer une retraite bien méritée sous la forme de chiffon. Sa veste est polie à force d’avoir été brossée et lavée. Par dessous, sa chemise lilas a son col élimé. Un collier or (imitation?) cerne son cou, aucun bijou à ses doigts et mains, pas même une montre. Ah si, des boucles d’oreille ciselées sous ses cheveux noirs remontés en chignon…
Même si j’apprécie la demoiselle, je reste intrigué par sa présence : comment est-elle entrée dans mon immeuble, soi-disant surveillé et à accès digicode ? N’empêche qu’elle est mignonne avec son visage triangulaire, ses lèvres d’un rouge vif naturel et ses yeux noirs, certainement une méditerranéenne. Franchement, j’en ai rien à faire de son encyclopédie payable en 20 mensualités mais le spectacle qu’elle m’offre est nettement plus divertissant que les programmes télé de ce soir !
Je viens de réaliser qu’elle a franchi le seuil de ma porte et que nous sommes au milieu de mon couloir d’entrée. Elle sait s’y faire, même si ça ne doit pas payer des masses, au vu de ses habits. À moins que ce ne soit un truc pour apitoyer le chaland mais je n’y crois pas, ce ne doit pas être le genre de cette jeune femme. Je sais reconnaître à présent la catégorie d’un client en moins de quelques secondes, ce qui est utile pour l’aiguiller sur le bon produit. Ça va faire dix minutes, et plus, qu’elle me baratine et je crois l’avoir cernée : une brave fille, consciencieuse, travailleuse, tête de mule et une certaine fierté !
— Alors, vous vous décidez ? Vous la prenez ?
Sa voix me fait sortir de ma rêverie. Prendre quoi ? Ah oui, son encyclopédie en 20 volumes. Pendant un centième de seconde, j’ai failli dire oui mais pour la prendre, elle, pas sa marchandise. Je lui explique calmement, que tout réfléchi, je ne vois pas trop ce que je pourrais en faire. Elle me regarde d’un air stupéfait puis devient rouge de colère et de dépit.
— Vous n’auriez pas pu me le dire plus tôt ?
— Lancée comme vous l’étiez, c’était difficile d’en placer une !
— La culture vous fait peur, les livres aussi ? persifle-t-elle.
— Désolé de vous contredire, dis-je en souriant, pas les livres, j’en ai quelques uns…
— Et vous les comptez sur les doigts d’une main ?
— Si vous voulez vous donner la peine…
Et je lui montre la porte entrouverte qui est sur sa gauche et qui mène au salon et salle à manger. Interloquée, elle se calme, regardant la porte puis m’interrogeant muettement des yeux. Je lui fais signe d’y aller, si elle le désire.
Intriguée mais méfiante, elle entre dans la grande pièce et découvre, ahurie, le long d’un mur une grande bibliothèque chargée de livres sur six mètres linéaires et deux mètres cinquante de haut. Ci et là, des niches qui contiennent des maquettes de voitures. À prime vue, cela lui en bouche un coin.
— Vous avez tout lu ?
— Oui, j’ai tout lu.
— Tout ça ?
— Je suis un passionné de voitures comme vous le constatez…
Elle s’approche des rayonnages et constate que tous les livres, ou presque, ne concernent que l’automobile depuis plus de cent ans. Il y a de tout : du livre d’art au manuel technique, en passant par divers catalogues.
— Vous êtes garagiste ?
— Effectivement, je travaille dans un garage.
Pas besoin qu’elle sache que je suis propriétaire de celui-ci.
— Bon, je présume que mon encyclopédie ne vous intéresse toujours pas…
Son encyclopédie ne me tente pas, par contre, elle si… Mais je ne suis pas obligé de le lui dire.
Une grande lassitude se peint sur son visage, ses traits se décomposent, elle se laisse tomber dans un fauteuil et se met à sangloter silencieusement. Je reste planté là, idiot, stupide, ne sachant que faire. Me ressaisissant, je m’approche d’elle et je m’agenouille à côté du fauteuil. Comme je sens que si j’ouvre la bouche, je risque de dire une stupidité, je ne dis rien ; je me contente de poser ma main sur son épaule. Elle se reprend peu après.
— Excusez-moi… je craque… j’en ai marre…
— C’est à dire ?
— Marre de taper aux portes pour vendre une encyclopédie pourrie dont personne ne veut, marre d’être dans la dèche ! Ce soir, je vais encore jeûner, mis à part une pomme !
— Et… et si… vous restiez pour dîner ?
— Dîner ?
— Oui, dîner avec moi, ici…
Elle se redresse d’un coup, une lueur fière dans ses yeux humides et lance :
— Je ne veux pas de votre charité !!
— Il ne s’agit pas de charité mais d’un donnant-donnant. J’ai besoin d’une présence, ce soir, je n’ai pas envie de manger seul. Et vous, vous avez besoin d’un repas. Qu’en pensez-vous ?
— Euh… vu comme ça… je ne sais pas si…
— Vous dites oui et on en parle plus ! En contrepartie, vous m’aidez à faire le repas.
— Vu comme ça, ok !
Nous allons dans la cuisine, elle regarde le contenu du frigo, une expression d’envie glisse sur son visage. Elle ouvre ensuite les portes des armoires, un sourire crispé, devant mes rayonnages plein de victuaille et de boites de conserve. J’en aurais presque honte.
— Vous aimez le gratin dauphinois ? Demande-t-elle.
— Pas de problème.
— Alors on se fait un gratin dauphinois. Et comme entrée, des asperges au jambon !
Elle s’active comme une petite fourmi pressée sur la table de cuisine. Elle est à présent en chemise et je constate avec plaisir qu’elle est décidément bien faite ! Une mignonne poitrine bien ferme s’offre à mes yeux et je devine sans problème l’armature de son soutien-gorge par dessous. Elle est trop affairée pour se rendre compte que je la mate sans vergogne, tout en lui fournissant les ingrédients qu’elle réclame. Ceci faisant, entre un pot de crème fraîche et des lardons, j’apprends qu’elle se prénomme Elodie. Et que moi, c’est Denis, c’est vrai, j’avais oublié de me présenter !
L’entrée finie, reposant dans le frigo et le gratin dans le four, nous sommes à présent assis dans le salon, verre en main, cacahouètes et autres biscuits salés sur la table basse. Le livre témoin est ouvert sur le canapé à côté de moi. Je le feuillette distraitement tandis qu’elle jette un coup d’œil circulaire sur la décoration moderne de la pièce. Son regard revient souvent sur la multitude de livres qui tapisse mon grand mur. Elle est impressionnée par cette collection ciblée. Un certain silence pesant s’installe entre nous. Elle grignote quelques biscuits lentement et se retient visiblement d’avaler le bol complet. Elle vient d’avaler son verre de kir et m’envoie un signal muet qu’elle ne serait pas contre un autre. Je l’exauce tout en me demandant ce que je ferais si elle descend ainsi la bouteille et qu’elle soit hors service. Je présume qu’elle saura s’arrêter à temps…
— Denis, vous aimez les voitures ? Lance-t-elle.
— Vous croyez ?
— C’est ça, moquez-vous de moi ! Je fais ce que je peux ! C’est la première fois que ça m’arrive de dîner avec un prospect !
— L’effort est méritoire, dis-je avec un petit sourire.
— Vous êtes dans les voitures, vous êtes vendeur ?
— Oui et non, je répare après qu’on ait acheté…
— Ah… Vous auriez des prix pour une bonne voiture d’occaz ? Demande-t-elle, l’œil intéressé.
— Tout dépend de la somme à mettre…
Je doute qu’elle puisse mettre beaucoup, vu l’état de ses habits.
— Pas grand-chose, 800 euros maxi…
— Ah oui !!!
— Il va falloir que j’y songe sérieusement, dit-elle d’un air triste.
— Votre voiture va vous lâcher ?
— Je suis même étonnée qu’elle roule toujours : j’ai une R4…
— Une R4 !?
— J’ai pas les moyens ! J’ai pris ce que je pouvais avoir…
— Excusez-moi, Elodie, mais j’aimerais bien comprendre un truc : comment une fille mignonne comme vous en est arrivé à ce point de… dèche ?
— C’est une longue histoire mais, franchement, je n’ai pas trop envie d’en parler ce soir.
Son visage se rembrunit. Je décide de parler d’autre chose et nous nous découvrons vite un point commun pour la Grèce. Elle adore les antiquités, la Grèce antique et sait même lire le grec ancien dans le texte. Elle connaît mieux la période antique que ces dix dernières années. Son rêve serait d’aller enfin là-bas et de découvrir en réel ce qu’elle ne connaît qu’en photos.
Je suis un peu gêné de lui avouer que j’en suis à mon sixième voyage. J’aime, moi aussi, tout ce qui a trait aux Cyclades, ces îles qui s’étendent d’Athènes à la Crète. Je vois bien qu’elle rêve tout haut quand elle me parle de l’Acropole, de Delphes, de Cnossos, un rêve lointain et merveilleux. Il me vient l’idée déraisonnable de l’embarquer dans mes bagages la prochaine fois que j’irai… Je m’étonne de cette idée saugrenue : j’ai honte ? J’ai envie de faire une bonne action ? J’ai simplement envie d’elle ?
Je commence à mieux comprendre la façon dont elle a essayé de me vendre son encyclopédie, elle aime apporter la culture, à l’entendre, c’est une vocation, un sacerdoce. Elle aurait dû être prof d’histoire. Je réalise alors qu’elle doit avoir vingt-cinq ans à tout casser et qu’elle n’a pas pu se payer l’université. Je constate le gouffre qui me sépare d’elle ; j’ai presque tout, elle a presque rien.
Rien sur ses mains non plus, pas de bagues, je l’avais déjà remarqué. Je profite d’une courte pose pour lui demander à brûle-pourpoint :
— Vous êtes mariée, vous avez un petit ami ?
— Pourquoi ? Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Dit-elle sur la défensive.
— Excusez-moi, j’aurais dû formuler la chose autrement. J’essaye de comprendre : une fille comme vous, mignonne, intelligente, passionnée… bien, quoi…
— Il n’y a rien à comprendre… Mais merci pour les compliments !
— Ils sont sincères : vous êtes réellement mignonne et d’après ce que j’ai pu entendre de votre bouche, vous êtes intelligente. Profitez-en, je suis avare en compliment !
— Il n’y a rien à comprendre… Répète-t-elle doucement.
Puis elle se lève d’un bond :
— Et si on passait aux entrées ? Donnez-moi les assiettes et les couverts que je mette la table ! Puis j’irais chercher nos plats…
— Vous avez décidé de jouer les fées du logis ?
— Oui, oui, oui ! Ca me changera !
Je préfère me taire. Ceci étant, j’en ai conclu qu’elle était célibataire. Peu après, nous mangeons nos entrées tout en continuant de parler de la Grèce. Doucement, elle dévie vers la Rome antique. Elle en connaît aussi un sacré rayon ! Je suis de plus en plus étonné et surpris, agréablement surpris. Cette fille est décidément pas mal du tout, une belle petite tête bien faite dans un beau petit corps bien fait !
Puis vient le gratin dauphinois. Elle a surdosé, il y en a pour quatre, voire six personnes ! Nous continuons à deviser sur l’histoire, avec des transversales sur la littérature. Elodie est capable de parler de tout dans ce domaine. Je me demande si elle n’est pas la réincarnation d’une femme de cette lointaine époque ! A ma grand stupéfaction, en moins de quinze minutes, le plat est vide, nettoyé, plus un atome de crème fraîche, de lardon ou de pomme de terre dedans. Hallucinant. Elle n’a pas mangé à sa faim depuis combien de temps ?
Attablée devant une glace, elle continue son exposé, embarquée dans la quatrième dimension de son rêve éveillé, de toute cette histoire ancienne qui défile devant ses yeux comme si elle regardait la télévision. Moi, je suis fasciné par cette aisance, par ces yeux sombres qui luisent de bonheur à conter. L’heure tourne et malheureusement, elle s’en rend compte :
— Oh, déjà onze heures ! Il va falloir que j’y aille car je n’habite pas la porte d’à côté !
— Vous êtes sure que…
— Merci, ce fut très sympa et je crains d’avoir abusé, surtout de vos provisions, je me suis laissé aller…
— Ça vous a plu, c’est le principal !
— Merci encore mais il faut que je parte !
Elle ramasse son exemplaire sur le canapé, remet son manteau puis se dirige vers la porte. Je ne peux pas la laisser partir ainsi :
— Vous avez un numéro de téléphone ?
— Non, je n’ai pas de téléphone, ni fixe, ni mobile…
L’idée de lui en donner un des miens me traverse l’esprit. Mais elle reprend :
— Et puis, à quoi, ça servirait…
— Nous pourrions nous…
— Elle tend la main, doigts écartés pour m’arrêter :
— Ça ne servirait à rien, c’est ainsi. C’est mieux ainsi…
— Mais…
— Il n’y a rien à comprendre et merci encore !
Juste avant de sortir dans le hall, elle se retourne et me donne un léger et furtif baiser sur la joue. Ça me donne encore plus de regrets !
— Merci, dit-elle simplement.
Et moi, interdit, je la regarde descendre l’escalier sans prendre l’ascenseur. Arrivée au demi palier elle me regarde et secoue la tête, comme une institutrice qui réprimande un enfant turbulent. Puis elle disparaît définitivement de ma vue.
Je ne sais que faire. Lui courir après ? Pour lui dire quoi ?
Déprimé, je referme doucement la porte. Mon appartement me semble bien vide. Elle avait sans doute raison. Peut-être, sûrement, sans doute… Je m’affale dans un fauteuil : retour à la case départ.
Les secondes passent, peut-être les minutes, je fixe le plafond. D’un bond, je me lève. Je fais probablement une connerie mais je décide d’aller la retrouver. Il est peut-être trop tard mais, au moins, j’aurais tenté, j’aurais essayé. Je suis dans le hall d’entrée de l’immeuble quand je la vois venir à moi, l’air penaude. Intérieurement heureux, je vais à sa rencontre. Elle a l’air gênée, très embêtée.
— Ma voiture ne démarre plus, dit-elle, un petit sanglot dans la voix.
— Je vais voir ça, dis-je pour la rassurer.
Pas loin, sa R4 nous attend. Dans la catégorie tas de ferraille qui roule, sa voiture décroche le pompon ! Je n’ai jamais vu un truc pareil. Je distingue une belle flaque d’huile en dessous quand je m’approche par l’avant. J’ouvre le capot qui grince de tout ce qu’il peut. Il y a de l’huile partout et ça sent le brûlé.
— Quand vous avez mis le contact, il s’est passé quoi ?
— J’ai bien entendu le démarreur mais rien de rien !
— Ne bougez pas, je reviens avec ma caisse à outil !
Je repars vers mon immeuble, direction le garage et ma voiture. Je suis intérieurement content, je sais que ce n’est pas bien de penser ça mais je m’en fous : elle est encore là, près de moi ! Je reviens avec mes outils mais je n’ai pas grand espoir de faire démarrer son tas de ferraille !
Pendant un quart d’heure, je scrute la chose, vérifie les points vitaux. Le diagnostic est malheureusement simple :
— Désolé, Elodie, mais elle vient de rendre l’âme !
— Ce n’est pas possible ! Faites quelque chose !!
— Vous avez même eu de la chance, votre voiture aurait pu vous lâcher pendant la conduite et… et je n’ose pas imaginer les conséquences !
— Quelles conséquences ?
— Accident et même plus, c’est un miracle que ça soit arrivé au démarrage, le moteur est bloqué, complètement bloqué, faut tout changer ! Si vous étiez à fond avec cette… voiture, c’était la sortie de route assurée.
— Cà aurait simplifié bien des choses, dit-elle d’un air triste.
— Eh oh ! Ca va pas la tête de penser à des trucs pareils !
— Vous ne pouvez pas comprendre !
— Justement, j’aimerais comprendre, dis-je furieusement.
Surprise par mon ton véhément, elle me regarde interloquée. Je range mes outils puis je la prends par le bras. Elle se débat.
— Qu’est-ce qui vous prend !!
— Vous ne pouvez pas rester là, dehors. Venez dormir chez moi, j’ai une chambre d’ami !
— Ah non, je ne veux pas de votre compassion !
— C’est fini, cet orgueil mal placé ? Vous n’avez pas le choix : c’est ça ou dormir dans votre voiture !
— Je prends la voiture !
Là, je m’énerve un coup. Ma main se transforme en un étau autour de son bras frêle et je la force à me suivre. Elle me suit sans trop de résistance. Arrivés devant l’ascenseur, j’entends une petite voix me dire :
— Vous me faites mal !
— Si je vous lâche, vous ne faites pas demi-tour ?
— Oui.
— Je peux vous croire ?
— Je n’ai qu’une seule parole.
— Je la crois et je la libère.
Nous sommes à nouveau dans le salon. Elle bougonne, ses yeux me lancent des éclairs. Des longues mèches s’échappent de son chignon. Elle est vraiment à croquer ainsi. Mais ce n’est pas le moment. Du doigt, je lui indique :
— La salle de bain est au fond du couloir, en face de vous, et la chambre d’ami est juste à côté. Je vous laisse la place.
— Ah non, je vous ai suivi mais ne prétendez pas me dicter ce que je dois faire !
— Eh ! Quelle mouche vous pique ?
— Ah oui ? Et qui me dit que vous n’allez pas me sauter dessus, une fois que je serais sous la douche ?
— Ça va pas la tête ? J’admets qu’il n’y à pas de verrou à la salle de bain mais faut pas exagérer !!
— Vous admettez !
— J’admets quoi ?
— Qu’il n’y a pas de verrou !
— J’ai dit le contraire ?
— Vous voyez bien !
Je ne cherche pas à comprendre, c’est elle-même qui me l’a souvent répété durant la soirée. Je souffle, une grande lassitude fond sur moi.
— Dans ce cas, prenez une chaise et bloquez la porte de l’intérieur !
— Ah non, vous ne vous en tirerez pas comme ça !
— Pardon ?
Là, je crois rêver. Elle est toute tremblante d’indignation. Quelque chose m’échappe. Certainement le grand mystère féminin ! Je m’adosse au mur, croisant les bras.
— Je ne veux pas de votre charité, je veux vous dédommager !
— Je ne fais pas ça par… charité ni compassion. Simplement pour rendre service. Et puis, bonne question : vous me dédommageriez comment ? Avec quel argent ? Hum ?
— Euh, je travaille…
— En essayant de vendre des encyclopédies qui ne se vendent pas !?
— Espèce de sale type ! Grogne-t-elle dans ses dents, ses lèvres rouges pincées.
— Nous sommes d’accord, je suis un sale type.
— Je ne veux pas de votre charité ! Reprend-elle.
Je suis excédé, il faut que je lui rive son clou :
— Vous ne voulez pas de ma charité ? Très bien, je vous propose un marché, comme tout à l’heure !
— Lequel ? Demande-t-elle en me regardant en catimini.
— Oh rien ! Que du tout simple !
— Ah oui ?
J’affiche le sourire le plus cynique que je possède dans ma collection :
— Que diriez-vous de me payer en… nature ?
— Oh…
— Qu’en pensez-vous ! Vous avez le choix : votre voiture au froid ; mes bras au chaud !
— Sale type !
Et elle se dirige vers la salle de bain, sans prendre de chaise. Je suis content, je lui ai rivé son clou ! Je prends un livre dans la bibliothèque tandis que j’entends l’eau couler. Je tourne les pages. Elle doit être en train de vider tous mes gels douches et shampoings ! Quelque temps après, j’entends la porte s’ouvrir puis une autre se fermer.
— Fini ! Bonne nuit… Crie-t-elle.
— Bonne nuit à vous, lui réponds-je.
— Sale type… dit-elle plus bas.
Je laisse tomber et je vais me doucher.
Quand je sors de la salle de bain, plus aucune lumière ne filtre sous la porte de la chambre d’ami. Déjà en train de dormir. Je me dirige vers ma chambre située plus loin. Enfin, une bonne nuit de sommeil. Il faudra que je trouve une solution pour la ramener chez elle au matin. Bah, j’y songerai demain.
Je m’arrête pile poil au seuil de ma chambre : elle est dans mon lit, les épaules nues, le drap entre ses doigts, relevé sous son menton.
— Vous faites quoi là ?
— Je paye mes dettes ! me répond-elle.
— Vous n’aviez pas compris que je me foutais de vous ?
— Je paye mes dettes ! s’obstine-t-elle.
— Bon, ça suffit, soyez raisonnable et allez dans la chambre d’ami !
— Non ! Je vous ai dit que je…
— Je sais, vous êtes une tête de mule qui paye ses dettes !
— Oui !
Je soupire. Je me demande dans quoi je me suis embarqué. D’habitude, je fais ni une ni deux, je plonge sous les draps et viva la fiesta ! Mais pas aujourd’hui…
— Bon, je présume qu’il n’y a rien à faire…
— Non ! dit-elle, farouchement.
— Ok, ok, je vais dormir dans la chambre d’ami…
— Ah non !
— Ecoutez, vous croyez que c’est une situation normale d’être chassé de son propre lit ?
— En général, les hommes font moins de chichi quand il s’agit de leurs zizis !
— En général…
— Je suis donc si moche ?
— Non, oh non !! Mais ce n’est pas comme ça que je vois les choses…
— Un vieux de la vieille ?
— Oui, c’est ça, je suis un vieux traditionaliste, bouquets de fleurs, invitations et tout le tralala ! Vous êtes contente ? Bon, une dernière fois, veuillez aller dans la chambre d’ami !
Elle me lance un œil noir et pince ses lèvres. Elle murmure entre ses dents, ses yeux rivés dans les miens :
— Et si je refuse ?
— Alors j’irai.
— Alors je vous accompagne ! Et…
— Et quoi ?
— Et je n’ai rien en dessous !!
Elle joint le geste à la parole et abaisse légèrement le drap. J’entrevois distinctement la naissance de ses seins. L’instant d’après, le drap s’arrête à la limite de ses aréoles. Il est clair qu’elle ne porte rien, tout au moins, au-dessus de la ceinture.
Elle remonte un peu son drap mais le spectacle qu’elle m’offre toujours reste très tentant. D’ailleurs, je commence à avoir quelques soucis sous mon peignoir !
— Et si vous avez des doutes pour le bas… Continue-t-elle.
Elle soulève alors légèrement le drap du bord du lit et me dévoile une fine et longue bande de chair rose qui part de sa cuisse à ses hanches. J’entrevois même le pli du dessous de son sein : tout cela est très prometteur, ses habits ne sont décidément pas à la hauteur de la demoiselle, pas un gramme en trop, lisse, certainement très doux, voluptueux. J’ai de plus en plus de soucis sous mon peignoir !
Je courbe la tête et ferme les yeux, ce sera au moins ça de pris pour me calmer un peu. Je ne comprends décidément rien aux femmes. Elle me traite de sale type et elle veut maintenant coucher à tout prix avec moi ! Et moi, comme un con, je ne saute pas sur l’occasion alors que d’habitude, il ne faut pas me le dire deux fois ! Quelque chose ne tourne pas rond. Je décide de reprendre le fil de la conversation :
— Ok, ok, j’ai compris : vous être prête à me suivre dans n’importe quelle pièce de l’appart, où que j’aille dormir, n’est-ce pas ?
— Oui !
— Bon, trouvons un compromis : je dors dans le même lit que vous, dans mon lit et chacun fait dodo de son côté. Je suis claqué, vous n’êtes pas mieux, surtout après tout ce que vous avez mangé !
— C’est un reproche ? Dit-elle agressive.
— Mais non ! Mais je doute que vous soyez en forme pour faire des galipettes avec un ventre bien rempli !
Elle dodine de la tête, l’argument porte. Elle regarde son ventre à travers les draps.
— Vous avez… peut-être… raison…
— À la bonne heure ! Bon, moi, je me couche, on fait un gros dodo, vous, moi. Et demain est un autre jour.
— Oui…
— Bon, maintenant, veuillez tourner la tête pendant que je me mette au lit car, moi non plus, je n’ai rien en dessous de mon peignoir et je ne compte pas dormir avec un machin humide !
Elle détourne la tête vers la fenêtre. Je laisse glisser au sol le peignoir et prestement, je m’engouffre sous le drap. Pendant une fraction de seconde, je crois avoir croisé son regard dans le reflet de la vitre. Si c’est le cas, je n’ai pas dû lui cacher grand-chose !
Nom d’un chien, c’est elle qui sent la vanille comme ça ? Ce parfum m’étourdit un peu. Je sens comme une sorte de vague de chaleur et de senteur émaner d’elle. Quelque chose de doux et d’apaisant.
Troublé, j’attrape la couverture que je remonte sur ma poitrine. Je me cale dans le lit, ma tête creusant l’oreiller, lui tournant le dos, tout en essayant de ne pas trop m’aventurer au milieu du lit. J’éteins la lampe de chevet, elle fait de même. Pour la forme, je lui lance :
— Bonne nuit !
— Bonne nuit et merci…
— Pas de quoi !
— Vraiment merci…
Et je sens qu’elle se cale à son tour, cherchant une position idéale pour dormir. Je vis une situation totalement incongrue ! J’ai une fille canon et consentante dans mon lit et je suis là comme un con à lui tourner le dos. Canon, c’est sur. Consentante, c’est vite dit !
Les minutes passent…
Durant ce temps, mon machin d’entre les jambes ne daigne pas revenir à une situation plus détendue. Je jette un rapide coup d’œil à mon radio-réveil : il serait peut-être temps de dormir un peu, demain, je travaille. C’est une bonne excuse. En réalité, comme je suis le patron, je viens à l’heure que je veux, même si souvent, je suis dans les premiers sur place. Sauf quand j’ai une fille dans mon lit et c’est précisément le cas.
Ah non, fallait surtout pas penser à ça ! Mon truc est de plus en plus dur ! Je suis même surpris de sa forme olympique. Elle remue, sa respiration est saccadée, elle se retourne sous les draps et son pied vient cogner le mien. Je me rétracte afin d’éviter son contact électrique. Elle grogne et raccroche mon pied du sien puis se pose dessus, comme en territoire conquis. Sa respiration s’apaise, ses mouvements s’adoucissent. Quant à moi, je ressens comme un bien être. Je tourne la tête vers elle : elle dort paisiblement sur le dos, un petit sourire tranquille sur les lèvres, ses cheveux longs répandus sur l’oreiller. Elle est vraiment belle ainsi. Trop belle.
Je la contemple dormir, regarde sa poitrine soulever le drap lentement et régulièrement. Puis mes yeux se ferment et je sombre dans un sommeil paisible.
***
Une sensation inconnue me fait sortir de mon sommeil. Je cligne des yeux, une faible lueur baigne la chambre, il doit être quatre ou cinq heures du matin. Elle est blottie contre moi.
Sa tête est nichée contre ma poitrine, ses cheveux doux coulent sur sa joue et sur mon torse, nos jambes sont entremêlées, un de ses bras longe mon ventre, ma jambe tandis que son autre main repose sur ma hanche. Un des mes bras l’encadre, ma main reposant contre son dos, noyée dans ses cheveux. Je n’ose pas bouger, de peur de la réveiller. Son parfum m’enveloppe. Je me sens bien, très bien, trop bien. Une certaine partie de mon anatomie se manifeste, se tend lentement, s’extirpant de sa niche velue, glissant petit à petit sur ma cuisse. J’essaye de me reculer un peu, sinon mon sexe va venir se poser sur son bras, pas loin de sa main. Je tente d’enrayer la collision qui se profile à l’horizon mais nos jambes sont parfaitement rivées et m’empêche de me dégager. La situation m’échappe, je ne sais que faire, je suis partagé entre l’épargner et lui rend hommage… Plus que quelques millimètres…
Soudain, je sens sa main saisir mon sexe gonflé qui s’enfle alors de plus belle. La chaleur de ses doigts rayonne sur la peau sensible de mon pieu dur comme du bronze. Elle entame un lent, un très lent mouvement de va-et-vient le long de ma tige gonflée et tendue. Son autre main se crispe sur ma hanche, cherchant mes chairs, mes volumes. Ses lèvres déposent de doux baisers sur ma poitrine, des traces brûlantes.
Ma main remonte dans son cou pour le caresser du bout des doigts, mes jambes enserrent les siennes, mes pieds câlinent les siens tout doucement. Je sens son souffle remonter vers mon cou, je baisse la tête, elle lève la sienne, nos regards se croisent dans la faible lueur du matin. Je vois un profond désir dans ses yeux sombres, un désir simple, naturel, un don de soi. Lentement, j’approche mes lèvres des siennes, délicatement, je les pose sur sa bouche entrouverte. C’est le baiser le plus doux que j’ai jamais reçu, tout en finesse.
Nos lèvres se cherchent, s’exigent, mes mains caressent ses formes, ses rondeurs, ses douceurs, se nichent sur ses seins aux pointes dressées. Ses doigts lissent les muscles de mes bras, mon torse, se perdent dans les boucles de ma toison. Mon sexe dans sa main chaude se gonfle, enfle sous ses mouvements précis, son étreinte. Ma main glisse sur son ventre rond, flatte ses courbes puis accroche ses poils soyeux, mes doigts s’insinuent plus bas, vers sa fente légèrement humide.
Elle accélère son mouvement autour de ma tige raide. Je sens que je vais venir, il faut que je l’arrête. Mes doigts quittent momentanément l’orée de sa fente humectée pour lui demander de modérer son emprise sur moi. Elle capture alors mes boules velues et entreprend de les caresser doucement. Elle lève une jambe pour me faciliter la tâche autour de son sexe offert. Je profite de cette ouverture pour lui démontrer que je sais m’occuper d’une femme, frôlant son clitoris, l’agaçant sans jamais le brusquer tandis que mon autre main s’empare de son sein, de son volume. Nos bouches sont soudées, nos langues aussi, nos corps se touchent, se reculent, ondulent. Je plonge mes lèvres dans son cou, parmi ses cheveux épars. Je veux être doux, le plus doux possible, même si ma passion est exigeante, vorace. Elle doit ressentir cet antagonisme.
— Viens, murmure-t-elle, tout bas, d’une voie feutrée, marquée par le désir.
Elle se couche sur le dos, m’attire à elle, s’ouvre à moi. Je me positionne au-dessus d’elle, entre ses jambes béantes, nos ventres se touchent, elle grimace. Je réalise qu’il ne vaut mieux pas s’y prendre ainsi.
— Sur le côté, Elodie chérie, ce sera mieux…
Elle me regarde étonnée puis un sourire s’épanouit sur ses lèvres. Elle roule sur le côté, me présentant son dos parfait, ses jambes repliées. Délicatement, j’épouse son dos, capturant délicatement ses seins tandis que ma tige trouve toute seule la voie entre ses fesses. Ondulant du bassin, je cale mon pieu le long de ses lèvres intimes, dans la broussaille de sa touffe, mon gland écarlate à l’orée de son clitoris puis je commence un lent mouvement de caresse avec. Elle trémousse ses fesses, cherchant le meilleur angle, sa main agrippant ma fesse. Dévorant son cou, malaxant délicatement ses seins, titillant ses pointes, ma tige bordant ses lèvres mouillées, j’entreprends de faire monter la tension. Elle ronronne sous mes caresses. Je me recule légèrement afin de libérer son clitoris que j’accapare de mes doigts farfouilleurs. Elle se tortille, halète, feule ; je cherche les moindres failles pour augmenter son plaisir.
Elle gémit, se tend, s’oublie. Elle secoue la tête de droite à gauche, griffe ma fesse, plaque son autre mes sur mes doigts enfouis dans sa toison drue. Un long gémissement monte en elle et explose en une série de petits cris. Divers spasmes la secoue, elle se calme, s’abandonne, se repose.
— Viens… Dit-elle d’une petite voix.
— Pas sans toi…
— Viens… à toi… Viens !
Pas tout de suite ! J’attaque posément ses tétons, les pinçant. Elle se cabre. Je recommence à la masturber plus intensément, plus directement. Elle tressaille, surprise de l’intensité que j’y mets. Elle soulève une jambe, capture mon piston de chair entre ses doigts puis le guide vers son entrée détrempée. J’entre en elle avec un rugissement de satisfaction. Déchaîné, je m’acharne sur elle, vrillant son téton érigé, martyrisant son clitoris en feu.
— Oh, c’est pas vrai… c’est pas vrai… lance-t-elle, ravie.
Ses cris de plaisir se mélangent aux miens, je me vide en elle, m’expulse au plus profond de son intimité. Dans un éclair de lucidité, je réalise que j’ai oublié de mettre un préservatif. Ce vague reproche que je me fait est submergé par le plaisir que j’ai d’être en elle, d’avoir sa chair contre moi, son parfum, ses senteurs animales, ses frissons, sa jouissance et ses spasmes.
Puis vient le calme, deux corps blottis l’un contre l’autre, endormis.
***
Le soleil entre par la fenêtre, zébrant les murs de lumière. Je suis éveillé et je la regarde dormir paisiblement, ses cheveux étalés en corolle autour d’elle. Le drap repose sur son ventre, dévoilant sa mignonne poitrine, ni trop petite, ni trop volumineuse. Les rayons du soleil magnifient ses doux monts et vallons. Son collier emmêlé ajoute une note attendrissante. Après avoir copieusement admiré sa poitrine, je suis ensuite fasciné par sa bouche rouge, écarlate, qui contraste fortement avec le teint pâle de son visage triangulaire.
C’est dans cet état qu’elle me surprend à la contempler.
— Tu mates ?
— Quand c’est si joliment présenté…
— Flatteur, va !
Mais elle ne fait rien pour cacher ses seins nus. Ses yeux sombres m’observent, essayant de deviner quelle sera la suite. L’instant est fragile, ténu. Je pressens que se joue une phase importante de ma vie et peut-être de la sienne. Et comme elle a un fichu caractère orgueilleux, il va falloir faire attention.
— Je te remercie, dit-elle simplement.
— Je t’en prie ! Mais de quoi exactement ?
— De tout. De me supporter, du repas, de cette nuit…
— Tout le plaisir était pour moi…
— Tu ne regrettes pas ?
Pour toute réponse, je dépose un léger baiser sur ses lèvres rubis.
La fièvre nous emporte à nouveau, elle m’agrippe le cou, m’attire à elle, m’embrasse furieusement. Nos corps s’enroulent l’un à l’autre, les draps sont au pied du lit. Nos bouches sont avides, exigeantes. Je constelle son visage, son cou, ses épaules, ses seins de multiples baisers et morsures. Elle agit de même sur moi, ses griffes sur mon dos. Durant un court instant, elle prend mon visage à deux mains. Je suis sur elle, le poids de mon corps sur la douceur de sa peau.
— Il n’y a décidément rien à comprendre, dit-elle.
Cette phrase énigmatique me saisit, je ne comprends pas bien où elle veut en venir. Elle me sourit, caresse doucement mes joues piquantes.
— Tu as été… très doux…
— Pas tant que ça… Lui dis-je, scrutant son visage.
— Je… je ne sais pas comment te dire ça… J’ai peur que…
— Peur de me dire quoi ?
— C’est la première fois que…
La première fois que quoi ? Sauf erreur de ma part, il ne me semblait pas qu’elle fut vierge. D’ailleurs, elle semblait s’y connaître un peu et ce n’est pas dans les livres écrits en grec ancien qu’on explique ce genre de chose. Quoique… Non, c’est autre chose…
Elle caresse toujours mes joues, ses seins pressés sur ma poitrine, sa touffe agréablement nichée sur mon sexe érigé. Elle semble chercher ses mots puis se décide :
— Je me sens bien avec toi, voilà. Mais… mais il ne faut pas que ça te… gène…
— Moi aussi, je me sens bien avec toi, lui dis-je, heureux.
— Oui mais pas comme moi, j’ai vraiment adoré faire l’amour avec toi et je veux le refaire encore avant de partir, en souvenir…
— En souvenir, comment ça en souvenir ?
— Je ne sais pas bien m’y prendre mais hier, tu m’as plu tout de suite mais… bon… un rêve éveillé, un beau rêve éveillé, toi, moi et puis on retourne à la réalité… nos mondes différents, loin… Dit-elle tristement.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Elodie me sidère. Elle est en train de m’avouer que je lui plais, qu’elle aime ma compagnie et hop, elle veut s’en aller ! Mais moi, je ne suis pas d’accord : je la garde, égoïstement, même si j’ignore de quoi sera fait notre avenir. Je me redresse sur les mains, la surplombant de toute ma masse, agenouillé entre ses jambes, ses mains descendant sur mon torse.
— Bon, c’est pas un peu fini ? Ecoute-moi bien : tu me plais, je te veux, tu restes !
— Mais !!!
— Tu compliques tout. Je suis bien avec toi, tu es bien avec moi, tu viens de me le dire et il est hors de question que tu te sauves.
— Mais si je…
— Taratata ! Ce matin, tu viens avec moi, on va au garage, on regarde s’il n’y aurait pas une petite voiture à te prêter…
Elle s’agite, ses sourcils se froncent. J’approche mon visage du sien :
— Et ce n’est pas de la charité mais de l’intéressement, de l’investissement ! Tu achètes de nouveaux habits plus seyants puis…
Elle me coupe :
— Mais comment veux-tu que… et puis, c’est quoi cette histoire d’investissement ?
— J’investis sur toi : tu es intelligente, tu es mignonne comme tout, tu prépares bien la cuisine et tu es une affaire au lit !
Elle ouvre la bouche en rond, étonnée, stupéfaite, presque choquée. Elle me regarde fixement, ahurie. Je continue :
— Donc, récapitulons, on te cherche une voiture, des habits, tu t’installes ici et on te trouve une situation plus en rapport avec tes capacités ou bien tu continues tes études. En contrepartie, tu deviens ma petite amie officielle.
— Ton esclave sexuel, tu veux dire !!!
— Et ma cuisinière…
— Ta boniche, pendant que tu y es !!!
Je me couche sur elle, mon sexe dur plaqué sur sa touffe légèrement humide, ma poitrine sur ses tétons érigés, mes lèvres à deux doigts de sa bouche écarlate. Ses grands yeux brillent, à la fois de fureur et de désir.
— Sale type ! Me lance-t-elle avant de m’embrasser furieusement en me mordillant.
Nos corps s’entremêlent de plus belle, je sais qu’elle me désire, son corps m’appelle, sa chair me veut, son intimité me réclame. Entre deux baisers voraces, je lui susurre à l’oreille :
— Tu es donc d’accord ?
— Sale type !
— Je prends ça pour un oui.
Et nous faisons l’amour comme jamais je n’ai pu le faire, avec fureur, envie, passion comme si l’avenir du monde en dépendait.
Elle est particulièrement douée, une maîtresse accomplie. C’est en sueur, vidé, épuisé mais repu, que je m’affale sur le lit froissé tandis que mon sexe se refait une beauté dans sa bouche experte. Elle va me tuer à ce tarif, je vais mourir cardiaque et heureux. Sa langue caresse l’entrée de mon méat comme pour y cueillir les dernières gouttes. Puis délaissant ma tige fatiguée, telle une féline, elle remonte à quatre pattes vers moi tout en me caressant voluptueusement de ses seins qui se balancent et s’entrechoquent au-dessus de ma peau hypersensible, électrisée. En un dernier sursaut, elle s’allonge sur moi et nous nous endormons immédiatement.
C’est elle qui décide de préparer le petit déjeuner que nous prenons dans la cuisine. C’est entièrement nue, d’une façon étonnamment naturelle, qu’elle apporte le plateau avec pain et confiture. J’ai une envie folle de lui sauter dessus. J’attends qu’elle pose le plateau pour l’attirer à moi, juste après mettre débarrasser de mon peignoir inutile. L’instant d’après elle est sur mes genoux. Elle s’esclaffe.
— Tu as quoi dans l’idée ?
— Je me demandais si ce n’est pas toi que je vais dévorer pour mon petit déjeuner !
— Et après, tu feras quoi ?
Le petit déjeuner attendra. Je l’oblige à me chevaucher et sans préliminaire, ma tige dure entre en elle. Je croque ses seins qui balancent sous mes coups de rein. Je me sens puissant, fort. Pour mieux me satisfaire, elle soupèse ses seins à deux mains, les presse l’un contre l’autre et présente leurs pointes dressées à ma bouche vorace. Je ne me fais pas prier ! Redevenu animal, animé de pulsions primaires, je veux tout d’elle, j’exige tout d’elle. J’aventure un doigt entre ses fesses puis cueillant un peu de cyprine, je titille sa petite entrée sombre tout en suçant un sein, une main dans son cou sous ses longs cheveux. Ses ongles agrippent mon dos, son corps se presse au mien. Elle me griffe quand mon doigt explore son anus tout chaud. Elle accepte son intrusion au plus profond tandis qu’elle tortille du bassin, s’empalant dessus. Je n’y résiste pas et j’explose en elle, égoïstement.
De nouveau, à ma grande stupéfaction, elle n’hésite pas à nettoyer de sa langue mon sexe et mes poils gluants de nos mélanges. Elle conservera durant tout le déjeuner une souillure blanchâtre à sa commissure. Puis elle déjeune comme si de rien n’était…
Le déjeuner fini, elle remplit le lave-vaisselle puis va se rhabiller sans dire un seul mot. Je fais de même, étonné. Nous sommes tous les deux dans le salon, près de l’entrée.
— Et que fait-on maintenant pour ma voiture ? demande-t-elle.
— Viens avec moi, on prend ma voiture et on va au garage… Euh, dis-moi…
— Oui ?
— Tu n’étais pas obligée d’en faire autant…
Royale, elle passe devant moi et se dirige vers la porte principale :
— Faut bien payer ses dettes, non ?
Je suis soufflé.
Nous nous dirigeons vers le centre ville ; le boulevard périphérique est dégagé, il est un peu plus de dix heures. Le parking des Aubaines est presque vide. Je ne suis pas très chaud pour qu’elle achète une partie de sa garde-robe ici mais puisqu’elle insiste. Il faut reconnaître que ça épargnera considérablement mon portefeuille, les prix sont confondants de bas prix, un beau pull à 4 euros ici, un pantalon à deux et j’en passe. Du coup, je vais vérifier s’il n’y a rien pour moi du côté Homme. Je fais un grand signe à Elodie pour le lui signifier, elle me fait un signe de la tête et replonge aussitôt dans les robes d’été.
Quelques minutes plus tard, elle vient vers moi, les bras chargés de vêtements, toute excitée.
— Denis, qu’est-ce qui m’irait le mieux entre ces jupes ? commence-t-elle en étalant celles-ci sur le bac face à moi.
— Elles ont l’air toutes bien… dis-je sans me mouiller.
— Il y en a quatre et j’hésite…
— Et bien, prend les quatre !
Un rapide coup d’œil sur les étiquettes me pousse à la générosité bon marché !
— Mais… une seule, ça suffit !
— Tu prends tout et idem pour le reste ! dis-je en montrant du doigt le tas de vêtements qui gît dans le coin du bac.
— Mais je ne peux pas !
— Mais si, tu peux ! Tu les as essayés au moins ?
— Je n’ai pas tout essayé mais ça m’ira. Je connais ma taille.
— Tu ne t’es pas pris une veste ?
— Mais ça coûte cher ! rétorque-t-elle.
— Ce n’est pas grave, j’allongerai ton séjour d’autant de semaines !
Elle reste là à me regarder, mi figue, mi raisin. Elle finit par valider l’option « plaisanterie » de ma phrase mais elle doute encore un peu. Je ramasse tout ce qu’elle a choisi et je la pousse devant moi, direction les vestes. Il y en a des belles, les prix sont plus chers. Pendant qu’elle choisit, je fais une rapide addition du tas que j’ai dans les bras. Si je m’étais acheté un blouson dans mon magasin habituel, il m’aurait coûté nettement plus ! Il n’y a pas à dire, cette fille est économique, sauf peut-être sur la nourriture !
Elle hésite, compare, teste. Deux vestes retiennent son attention. L’envie se lit sur son visage. Elle teste à nouveau, soupèse son choix.
— Essaye-les toutes les deux…
— Tu crois ?
— Comment peux-tu savoir celle qui t’ira le mieux sans avoir essayé ?
— Tu as raison.
— Attends ici, j’ai un truc à demander.
Je m’éloigne d’elle à grands pas pour poser une question à la vendeuse située près des cabines. Elodie me suit du regard, intriguée. Je reviens vers elle et m’empare des deux vestes en question.
— Tu as demandé quoi ? questionne-t-elle.
— J’ai demandé si tu pouvais garder sur toi des vêtements achetés…
— Hein ? Pourquoi ?
— Comme ça, quand tu sortiras, tu auras des vêtements neufs, ce sera toujours mieux que ce que tu portes actuellement ! Autant profiter de la cabine d’essayage pour ça.
— Je te fais honte ?
— Mais non ! (léger soupir de lassitude) Mais avoue que tu serais mieux avec ce pull ou cette jupe.
Je lui désigne du menton les articles concernés.
— Tu veux que je mette ça ?
— Non, tu choisis, toi, ce que tu veux mettre. J’attendrais jusqu’à ce que tu ais fait ton choix.
— Tu ne sais pas à quoi tu t’engages ! Ca risque de me prendre du temps !
— Pas grave, il y a un rayon gadget juste à côté des cabines d’essayage.
Elle soupire, me toise du regard et s’engouffre dans une cabine. Je lui donne le tas de vêtements ainsi que les deux vestes. Je tire le rideau sur elle et je me dirige vers la vitrine où sont exposés en vrac des radios, des rasoirs électriques et autres gadgets du même style.
Peu après, elle m’appelle, me demandant pour deux articles d’aller trouver la taille au-dessus. Je cherche, je trouve et je reviens.
J’attends…
Elle sort enfin : elle est mignonne à croquer avec cette longue jupe multicolore qui lui descend sous les genoux, ce chemisier rose et la veste chatoyante par-dessus. Ses cheveux longs tombent en cascade sur ses épaules, son collier scintille sur la lumière des spots, ses lèvres rouges luisent. Elle tourne sur place afin de me faire admirer l’ensemble : je suis conquis.
— Tu es splendide !
— C’est vrai ?
— Magnifique ! Tu t’es vue dans le miroir ?
— Oui, ça m’allait bien ! Bon, je peux donc laisser le reste ici…
— Tu ne les prends pas, ils ne te vont pas ?
— Si sauf ce pull mais je…
Je la coupe :
— Laisse ce pull mais garde le reste !
Et sans lui demander son avis, je lui enlève des mains les autres vêtements et me dirige vers la caisse principale. Au passage, je fais signe à la vendeuse. Quelques minutes plus tard, nous sommes dans le parking. Elle a en main un sachet avec ses anciens vêtements et moi, des sachets avec les nouveaux.
— Tu es vraiment impossible ! Me dit-elle en me regardant d’un air réprobateur.
— Ah oui ?
— Ça va me faire une dette colossale envers toi !
— Ça va commencer à se chiffrer en années…
— Sale type !
Elle pose son sachet près de la voiture puis revient vers moi.
— Autant verser tout de suite un acompte ! dit-elle, sérieuse.
Elle passe ses bras autour de mon cou et m’embrasse impétueusement. Laissant choir mes sachets à mes pieds, je m’empare d’elle et l’enlace fougueusement. Nous restons quelques temps soudés l’un à l’autre, sans nous soucier des quelques clients qui passent devant nous.
Moins de dix minutes plus tard, nous arrivons à la boutique et garage. Je gare la voiture derrière, près du parc de voitures d’occasion. Peu après, j’ai le classeur des dernières entrées en main, une Twingo rouge de six ans et révisée hier attire mon attention. Je lui montre :
— Ça t’irait en attendant ?
— Waow, elle est comme neuve !
— C’est sur la photo… Bon, on va aller voir à quoi elle ressemble.
J’ouvre un tiroir derrière un comptoir et prends un trousseau de clefs. Ses yeux sombres fixés sur moi, elle me regarde faire et s’inquiète :
— Tu crois que tes employeurs te laisseront l’emprunter ?
— Aucun souci !
— Tu es sur ? Je ne voudrais pas que tu ais des problèmes à cause de moi !
— Mais oui ! Allez, viens !
Et je la prends par la main, direction le parc de voitures.
La Twingo lui plait, elle sent le neuf, elle n’a pas trop de kilomètres au compteur. Elle s’installe au volant, je boucle ma ceinture à côté d’elle. Elle me regarde :
— Je peux ?
— Vas-y, essaye-la…
Nous partons faire un petit tour dans les environs. Ravie, enchantée, Elodie range la voiture devant l’entrée principale. Je m’apprête à descendre.
— Attends-moi là, s’il te plait, j’ai deux trois trucs à régler. Je reviens dans cinq minutes.
— Tu n’as pas peur que je me sauve avec la voiture ?
— Non.
— Tu me connais à peine ! Pourquoi ?
— Parce que je crois en toi…
Elle pose ses mains sur son visage et se met à pleurer. Je suis très embêté. J’extirpe un paquet de kleenex de ma poche que je lui tends maladroitement. Elle ne voit rien. Les larmes d’une femme m’ont toujours rendu malhabile. Je pose ma main sur mon épaule et l’attire à moi. Elle se calme petit à petit. Elle prend un mouchoir du paquet posé sur ses genoux et s’essuie les yeux.
— Je suis idiote, excuse-moi.
— Mais non ! Mais non !
— Mais si… Allez, vas-y, je t’attends…
Comme promis, je reviens cinq minutes plus tard. J’ai donné quelques instructions ci et là avant de prendre congé pour la journée. D’un air interrogatif, Véronique, mon assistante, m’a désigné Elodie par la fenêtre puis m’a regardé attentivement et m’a ensuite souri. Si j’ai l’aval de Véro, tout va bien !
Je boucle ma ceinture. Ses yeux sont encore légèrement rouges. Elle caresse le volant, me dévisage me demandant :
— Je peux la garder combien de temps ?
— Un certain temps… dis-je, vague.
— Ça ne me dit pas combien de temps !
— Ne t’inquiète pas pour ça, on verra…
— Ah non, ton patron ne va quand même pas te laisser profiter d’une voiture comme ça, surtout si c’est pour quelqu’un d’autre !
— Je suis le patron…
— Hein !?
Les yeux grands ouverts, elle me dévisage :
— Tu plaisantes !?
— Pas du tout !
— C’est toi le patron de cette boite ? Mais c’est une grosse boîte !!
— C’est vrai, j’en suis fier. Bon, tu mets en route ?
Elle tourne le contact, tout en continuant de me dévisager d’un air stupéfait.
— On va où ?
— Nous avons encore quelques magasins à faire…
— Tu te la joues « Pretty Woman », « My fair Lady » ou quoi ?
— Je me la joue « je suis amoureux » !
Elle rougit, décide de ne rien dire et nous allons faire du shopping dans divers magasins. Il est presque treize heures. Elle arrête la voiture pas loin d’un restaurant chinois, je sais qu’elle aime, elle me l’a dit hier, entre deux citations de poète grec.
Au cours du repas que nous mangeons avec des baguettes, elle attaque :
— Je ne peux pas accepter tout ça de toi, je n’ai rien à t’offrir en échange… si… si ce n’est moi !
— Ça tombe très bien, c’est toi que je veux !
— Arrête de plaisanter, je suis sérieuse, ça va trop vite ! Il y a vingt quatre heures, je ne te connaissais pas, ma vie était incertaine et puis hier soir, nous nous rencontrons, nous passons la nuit ensemble et… et…
— Et ?
— C’est idiot à dire, on dirait un conte de fée ! Tout s’arrange, j’ai des nouveaux habits, des nouvelles chaussures, des produits de beauté, une voiture et un homme. C’est pas croyable, surtout après tous les pépins que j’ai pu avoir ces derniers temps, c’est trop beau, j’ai du mal à y croire ! J’ai peur que tu te lasses de moi aussi vite que tu t’es intéressé à moi…
— En parlant de pépins, je ne sais toujours pas ce qui…
Elle plante ses baguettes dans son riz, secoue la tête :
— Pas maintenant, s’il te plait. Plus tard, je te raconterais tout, promis mais pas maintenant.
— Ok, comme tu veux. Pour être franc, j’ai aussi peur que tu ne t’en ailles aussi vite que tu n’es entrée dans ma vie ! Je suis aussi surpris que toi de la rapidité des choses mais je ne cherche pas à comprendre. Tu es là et c’est tout ce qui compte. Je ne sais comment dire mais tu es devenue… comment dire… vitale pour moi. Je n’arrive plus à imaginer demain sans toi, je n’y pense pas, je n’y crois pas, comme si… comme si, c’était évident que tu es faite pour moi et moi pour toi. Ça doit être ça, l’amour : c’est tout simple, évident.
— Tu… m’aimes ?
Je la regarde, c’est évident, je l’aime, c’est aussi simple que ça, comme je l’ai dit.
— Oui.
Elle pique du nez sur son plat. Je tends mon bras par-dessus la table pour lui relever la tête, son menton dans le creux de ma main.
— Et toi ? Que ressens-tu pour moi ?
— J’aimerais pouvoir te dire la même chose… Mais je suis une grande peureuse concernant mes sentiments. Une grande craintive. Je ne me donne pas facilement, même si hier, tu as pu croire le contraire…
— J’avais compris, surtout à cause de ton attitude un peu… étrange. Tu voulais mais ça te bloquait, d’où cette colère…
— Oui, je ne me comprends pas moi-même. J’aimerais tant te dire la même chose, j’ai beaucoup de reconnaissance pour toi, tu me fais confiance, tu crois en moi mais moi, je ne crois même pas en moi ! Je ne voudrais pas te décevoir.
— Tu ne me décevras pas ! Dis-je affirmatif, lâchant son menton.
— Tu en es bien sur !
Je pose mes baguettes et pose mes coudes sur la table :
— Je suis un entrepreneur, j’ai investi à fond dans une première boîte avec un copain meilleur gestionnaire que moi. Ça n’a pas été facile au début mais nous avons réussi. Puis, Paul, le copain gestionnaire, m’a convaincu d’aller plus loin. J’ai investi encore puis encore. Je n’ai pas compté mes heures, mes jours, mes mois, mes années. J’ai maintenant quatre garages dans le secteur. Nous avons même placé nos billes dans l’immobilier et ça marche bien. Mais j’ai investi au détriment de ma vie privée. Puis tu es arrivée. J’ai alors décidé d’investir dans ma vie privée, de miser sur toi.
— C’est follement romantique, sourit-elle, ainsi je suis un placement ?
— Le placement à plus long terme de ma vie, j’espère.
— Jusqu’à quand ?
— Jusqu’à ce que tu ne voudras plus de moi…
C’est elle qui décide de rentrer à l’appartement sitôt le repas fini. Depuis que je lui ai dit « jusqu’à ce que tu ne voudras plus de moi », elle n’a plus beaucoup parlé, le regard triste et lointain. Nous sommes dans le salon. Elle me désigne un fauteuil :
— Il faut que je te parle, que tu saches !
Et elle me raconte sa vie, une vie heureuse au début puis sa lente descente vers la dèche. Ce qu’elle a dû faire pour s’en sortir, toutes les compromissions faites. Une heure durant, debout, me regardant à peine, honteuse, elle parle, pleure, se reprend puis continue sa pénible histoire. Elle ne tente pas de se justifier, elle me présente les faits jusqu’à hier soir. Elle sèche ses yeux:
— Voilà, tu sais tout…
— Euh… oui… je ne m’attendais pas à ça…
— Maintenant que tu sais, tu veux… tu veux toujours de moi ?
Un peu abasourdi, je me lève. Ses longs cheveux voilent son visage. Je m’approche d’elle, elle a un imperceptible mouvement de recul, de crainte. Délicatement, du bout des doigts, j’écarte ses cheveux pour plonger mon regard dans le sien. Ses lèvres écarlates tremblent légèrement, elle respire par à-coups.
— Je veux de toi jusqu’à ce que tu ne voudras plus de moi…
L’instant d’après, nous sommes dans la chambre, nus, enlacés.
*-*-*-
Comme elle refuse de passer pour la petite protégée du patron, j’ai utilisé mes relations pour lui dénicher un petit boulot. Elle n’a accepté que, si et seulement si, elle faisait ses preuves. Toujours son orgueil mal placé. Toujours est-il que Jean m’affirme, quelque jours après, qu’il ne regrette pas ma recommandation ; dommage, me dit-il, que c’est pour remplacer un congé maternité. Quinze jours plus tard alors que nous nous voyons régulièrement et qu’elle passe presque une nuit sur deux avec moi, elle est face à la grande bibliothèque tout en évitant de me regarder :
— Euh… tu aurais de la place pour mes livres dans ta bibliothèque ?
Inutile de préciser que ce jour-là, j’ai été particulièrement satisfait ! Comme elle n’avait pas grand-chose à déménager, ce fut vite fait en une seule camionnette. Maintenant, elle vit avec moi, près de moi. Puis les jours et les semaines se sont écoulés…
Comme la boîte où elle fait son remplacement ferme trois semaines en août, nous sommes partis en Grèce à la rencontre de tout ce qu’elle ne connaissait que dans des livres. Je lui en avais déjà parlé début juin mais elle doutait, Elle n’osait pas trop y croire. C’est quand je lui ai mis les réservations sous le nez qu’elle m’a sauté au cou, manquant de m’étrangler et de déchirer les papiers. La nuit fut très très… chaude… torride…
Nous avons visité, main dans la main, tous les endroits mythiques. Ce fut assez marathonien et culturel. D’habitude, je suis plutôt porté sur le va-et-vient « hôtel et plage » mais elle était tellement heureuse, excitée…
Avant de partir, elle avait accepté de s’inscrire à l’université. J’ai dû employer des ruses de sioux pour trouver une combine étude/travail afin qu’elle n’ait pas l’impression de dépendre de moi. Elle a fait semblant d’y croire mais elle n’est pas dupe…
Octobre, la rentrée universitaire. Ses professeurs sont contents d’elle, ils estiment qu’elle a un fort potentiel. Je le sais, c’est, entre autres choses, ce qui fait que je l’aime. Elle jongle bien entre les études, son pseudo travail dans une filiale de Paul, mon associé et la cuisine qu’elle met un point d’honneur à faire toute seule, pour payer sa « dette » comme elle dit. Octobre, novembre puis décembre. Elle s’apprivoise petit à petit, arrive à ranger son orgueil dans nos décisions de couple, même quand c’est moi, le sale type, qui paye tout.
Noël, le salon dans la lueur des chandelles, elle est ravissante dans son ensemble noir, un haut satin bien court qui dévoile son nombril et bien plus, une jupe de la même couleur qui lui arrive à mi-cuisse au-dessus de longues jambes gainées de sombre. Son cou et ses poignets sont chargés de colliers scintillants et de bracelets étincelants sous le chatoiement des flammes qui se reflètent dans ses yeux d’ébène. Elle a laissé ses longs cheveux flotter librement ; ils accompagnent ses moindres mouvements en diverses arabesques gracieuses. Elle est belle à couper le souffle, je suis heureux, très heureux…
Assis de part et d’autre de la table, nous levons nos flûtes aux bulles pétillantes à cette année qui s’achève bientôt et qui a vu nos vies changer. Tandis qu’elle monte son verre à ses lèvres rouges, j’observe en catimini son haut satiné aux zébrures chatoyantes dessiner les courbes de ses seins, je soupçonne qu’elle ne doit rien avoir en dessous…
En cette soirée, je suis comblé. Je tâte discrètement la poche de mon pantalon qui contient le petit coffret que je compte lui offrir dans peu de temps : ma demande. Nous reposons nos verres de concert, elle se lève, j’esquisse un mouvement pour l’aider à rapporter les entrées. Elle tend la main pour m’arrêter :
— Non, non, non, ça fait partie du remboursement de ma dette, dit-elle en riant.
— Je peux te faire un report, si tu veux…
— Non ! Tu devrais savoir que je paye toutes mes dettes…
Elle revient avec un grand plateau de fruits de mer. On se croirait au Nouvel An, nous n’avons qu’une semaine d’avance. Les fruits dégustés, elle ôte le plateau, revenant les mains vides. Je réalise qu’il n’y a aucune odeur de cuisine dans l’air. Repas froid ? Je ne saurais dire, elle m’a éjecté de l’appartement vers dix-huit heures avec interdiction de revenir avant vingt heures. Dans la foulée, elle a exigé que je sois sur mon trente et un pour aller chercher un gâteau à l’autre bout de la ville. Elle avait décidément bien calculé son coup : il m’avait fallu presque deux heures pour revenir !
Elle s’assied avec son air grave des trucs à me dire. Je cherche dans ma tête ce que, diable, elle peut m’annoncer : tout va bien ; ses études, nickel ; mes boîtes, ça tourne tout seul ; notre amour, sans nuage.
— Je… j’aimerais te parler…
— Oui, je t’écoute, ma chérie…
— S’il te plait, écoute-moi sans m’interrompre, sinon je perdrais le fil et mes moyens. Voilà : il y a quelques mois de cela, tout allait mal pour moi, très mal puis un jour, j’ai tapé à ta porte. Je me suis montrée assez agressive avec toi, j’avais un peu peur de ce qui m’arrivait. D’habitude, dès qu’il y avait une légère embellie dans ma vie, c’était pour tomber de Charybde en Scylla !
Elle marque une légère pause. Je la regarde, je me demande ce qu’elle a derrière la tête.
— Tu as été très généreux avec moi : tu m’as offert ton amour et une nouvelle vie sans que je puisse te garantir quoique ce fut, malgré ton « marché » que je sois ta petite amie, ton jouet sexuel et ta cuisinière !
— Tu oublies : « ta boniche »…
— Oui, effectivement. Ne me coupe pas, s’il te plait, c’est déjà difficile comme tout. Je disais donc, malgré ton « marché » que j’ai un peu pris au pied de la lettre au début avant de m’apercevoir que c’était ta façon de me faire admettre ce que je pouvais accepter sans contrepartie : ma « dette ». Tu peux penser ce que tu veux, j’ai néanmoins une grosse dette envers toi. Et je ne te remercierai jamais assez. Mais ce n’est pas par gratitude que je suis avec toi. C’est parce que je t’aime, comme jamais je n’aurais cru qu’on puisse aimer. J’ai longtemps cru que c’était par gratitude ou un sentiment du même type mais jamais par obligation. Je tenais à te le dire. Je t’aime, Denis… et j’espère te rendre heureux de tout mon cœur…
Je suis ému, ému qu’elle puisse (enfin) m’avouer ses sentiments ainsi. Je reconnais avoir eu des angoisses sur la motivation exacte qui la faisait rester à mes côtés. Elle vient de me ôter ce dernier poids de l’esprit. Je sens que le moment est bien choisi pour sortir mon petit cadeau de Noël.
— Non !
— Non ?
Elle tend la main pour m’arrêter. Elle sourit.
— Je sais ce que tu comptes faire. Tu n’es pas discret, mon pauvre amour, ça se voit comme le nez au milieu de la figure et surtout comme une belle bosse dans la poche de ton pantalon ! Désolé…
— Bon, ok ! Mon effet de surprise tombe à l’eau… J’aurais dû le planquer dans une maquette de camion !
— Même pas ! reprend-t-elle en souriant.
— Comme ça ?
— Depuis septembre, tu cherches à tâter le terrain et puis, d’un coup, depuis moins de dix jours, tu n’en parles plus. C’était facile à deviner.
— Je peux quand même te l’offrir ?
— À une seul condition : j’ai une requête à te demander, ma dernière exigence.
— Tu sais bien que je dis pratiquement amen à tout ce que tu veux !
— Pas toujours, pas toujours ! affirme-t-elle.
Elle se tortille légèrement sur sa chaise, ses mains sous la table. Je sors mon coffret de ma poche et d’une main légèrement tremblante, je le pose au milieu de la table.
— Tu peux au moins l’ouvrir…
— Je n’ai pas posé ma condition, dit-elle.
Elle s’agite toujours légèrement. Je ne comprends pas bien pourquoi. Malgré la légère inquiétude qui pointe en moi, j’admire le tressaillement de ses seins sous le fin tissu. Je suis certain qu’elle n’a pas de soutien-gorge en dessous.
— Du donnant-donnant, je présume ?
— Tu m’as habitué au marchandage ! rétorque-t-elle en souriant, les yeux luisants.
Elle pose ses coudes sur la table, croise ses doigts et pose son menton par-dessus. Ses lèvres sont très proche de moi, ses magnifiques lèvres rouges naturelles que j’adore embrasser et croquer. Une flamme se reflète dans ses yeux ténébreux. Ses cheveux sombres tombent en cascade sur ses épaules.
— Il me manque quelque chose, il nous manque quelque chose. Vers juin, j’aurais fini ma première année d’université. Tu sais que la seconde année consiste en du travail de recherche qu’on peut pratiquer chez soi avec Internet, ce qui laisse du temps libre, beaucoup de temps libre, pour toi, pour moi et pour… et pour notre petite fille…
Je suis estomaqué, soufflé.
— Notre petite fille ? Tu veux… tu désires… tu acceptes que ? Mais comment peux-tu être sure que ça sera une fille ?
— Parce que j’en ai décidé ainsi ! Je t’ai bien acheté diverses choses mais je tenais à te faire ce cadeau de Noël, là maintenant, tout de suite…
— Ce… C’est le plus beau cadeau de Noël que…
Je suis cloué à ma chaise, j’en aurais presque les larmes aux yeux, elle va plus loin que je ne l’avais espéré. Elle m’offre ce qui m’a toujours manqué : une famille. Ma bague n’est qu’une formalité…
Un adorable sourire espiègle se dessine sur ses lèvres.
— Mais tu comprends que pour ton cadeau de Noël, je vais devoir demander ta participation…
Elle se lève, me tend les bras. Je découvre alors sa magnifique chatte noire, sa forêt sombre, fantasmagorique à la lueur des bougies, son triangle dense, légèrement bombé, qu’elle a visiblement taillé, dégageant ainsi ses lèvres charnues comme un fruit offert à ma libido déchaînée. Ses magnifiques jambes sont gainées de bas noirs aux bandes autofixantes. Ebène sur ivoire, la chair de ses cuisses, de ses hanches, de son ventre arrondi provoque en moi en océan de désir fou.
Moins d’une seconde plus tard, nous sommes couchés sur l’épaisse peau de mouton blanche en train de nous embrasser follement. Je parcours de mes baisers, ses joues, ses lèvres, ses yeux avant de descendre le long de la ligne de son cou. Avide, je plonge sur son ventre que je couvre de baisers brûlants tout en remontant vers ses seins que je dévoile petit à petit. J’embrasse leurs courbes pleines sous le téton avant d’aller croquer celui-ci. Je suis comme fou, mordillant, léchant, embrassant passionnément celle que j’aime et qui m’offre tant. Ses doigts dans mes cheveux, elle trace pour moi, l’itinéraire de son corps à explorer. De mon propre chef, je descends vers son bosquet sombre et sous ma langue, je découvre sa nouvelle géographie aux lignes épurées, sa fente douce aux commissures pulpeuses presque glabres. Je cueille du bout des lèvres ses senteurs avant d’enfouir ma bouche dans sa tiède intimité. J’entreprends ensuite son clitoris toujours masqué dans sa sombre touffe. Elle gémit doucement, se laisse faire, tandis que mes mais capturent ses seins.
Quelque temps après, au bord de l’orgasme, elle balbutie :
— Tu sais… Ce n’est pas avec la langue qu’on… qu’on brafique, qu’on fabrique des enfants !!
— À une seule condition ! dis-je, haletant, entre deux coups de langues perverses.
— Ah non !
Je me relève prestement, baisse mon pantalon et mon slip qui atterrissent par la suite dans le canapé puis je me jette sur la table. Je m’agenouille ensuite entre ses jambes largement ouvertes, m’allonge à moitié sur elle, son sexe dur comme le bronze des statues antiques frottant insidieusement sur sa chatte en fusion.
— Ceci !
Je lui montre la bague aux mille éclats de diamants.
— Si tu dis oui, je plonge en toi et ce, tous les jours, matin, midi, soir, nuit, jusqu’à ce que la petite graine éclose… si tu dis non, je continue avec la langue tout le restant de ma vie !
— Pas chiche !
Vicieusement, j’ondule du bassin pour me frotter sur son sexe frustré. Elle se cabre, gémit, me mordille, me griffe doucement…
— Ooooh… Sale type !
— Alors ?
— Oui… dit-elle à la sauvette.
— Pardon ? Dis-je en accentuant mon ondulation.
— Oui, oui, oui !!!
Accoudé au-dessus de son corps qui m’attend, qui m’espère, qui me veux, je capture sa main pour y glisser la bague. Elle se contient quelques secondes pour l’admirer toute scintillante à son annuaire, me sourit tendrement puis m’attire à elle sauvagement.
— Maintenant que tu as eu ce que TU voulais, fais ce que JE veux ! dit-elle férocement !
Si, fin août ou début décembre, je ne suis pas père, je n’y comprendrais rien !
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